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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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soutenant douze cierges qui avaient été éteints pendant l’office des ténèbres du Jeudi saint, symbole du rejet du Christ par les apôtres, quand des cris perçants montant de la cour pavée résonnèrent dans l’édifice. Dunheved se hâta d’en terminer avec sa bénédiction. Je regardai la souveraine ; elle hocha la tête et je me joignis à ceux qui se précipitaient par la porte latérale vers la vaste esplanade qui longeait l’église. Lanercost gisait là, enchevêtré dans sa chape, d’où émergeaient ses bottes, la tête un peu de côté, de petits filets de sang coulant de son chef défoncé. Un sergent s’approcha en courant. Je lui ordonnai de tenir la foule à l’écart et m’avançai vers le sinistre spectacle. Lanercost, bien sûr, avait trépassé, le cou brisé, le crâne fracassé.
    — Que s’est-il passé ?
    Je me relevai et m’éloignai au moment où Dunheved, informé de l’accident, sortait avec précipitation de l’église. Il portait encore ses vêtements sacerdotaux et tenait une fiole d’huiles saintes.
    — Que s’est-il passé ? répétai-je.
    Agenouillé près du cadavre, le prêtre l’oignait sans attendre. Je murmurai un requiem et observai les environs. Les gens, bouche bée, se pressaient à présent pour voir la dépouille. Certains désignaient le sommet du clocher érigé au sud du bâtiment. Le sergent affirmait que c’était de là-haut que Lanercost avait chu. Je levai les yeux. Le clocher s’élevait tout droit au-dessus de moi. Il était percé de petites meurtrières latérales et, dans la salle des cloches, de deux grandes fenêtres oblongues dans chacun des quatre murs. Le carillon avait cessé mais les oiseaux qui nichaient dans la tour voletaient toujours à grand bruit. J’examinai Lanercost. Il portait une chape brune sur une chemise et des hauts-de-chausses ; il n’avait ni éperons ni ceinturon. Le soldat fit reculer la populace. Je tournai la tête vers le seuil de l’église où se tenait Isabelle en compagnie de deux de ses dames d’honneur. La reine avait un regard fixe et morne. D’un geste discret de la main, je lui suggérai de ne pas approcher. Elle acquiesça d’un signe de tête, tourna les talons et rentra dans l’édifice. Je me rendis compte soudain que son humeur avait récemment changé, qu’elle était devenue plus réservée, plus réfléchie. Le son éclatant d’une trompette mit tout le monde à genoux, moi y compris, à l’arrivée précipitée d’Édouard et de Gaveston. Le père prieur se pressait derrière eux.
    Dunheved, une fois les rites accomplis, laissa entendre qu’il devait se changer et partit sans perdre de temps. Le roi et son favori, chaussés de heuses souples, semblaient avoir enfilé à la va-vite des hauts-de-chausses, et, sur leur chemise, de longs surcots de velours écarlate sans manches. Ils glissaient dans la cour boueuse. Pas rasés, échevelés, ils avaient les yeux lourds comme s’ils avaient passé la nuit précédente à boire. Gaveston s’accroupit près de la victime. Il déplaça la tête de Lanercost et tâta les horribles meurtrissures du visage, du cou, de la poitrine et des jambes. J’avais déjà conclu que Lanercost avait dû tomber du clocher en heurtant le toit incliné du bâtiment avant de choir en une seconde et longue culbute sur le sol. Gaveston, tendant la main, me souleva le menton ; il avait les yeux pleins de larmes.
    — Une chute ? questionna-t-il.
    — Tout porte à le croire, monseigneur.
    — Tout porte à le croire ! ricana-t-il. Ou un meurtre ? Ou un suicide ? Je suppose qu’il me faudra admettre ce que Ingelram Berenger, ce fat de coroner, décidera.
    Je lui rendis son regard. Je partageais sa piètre opinion sur Berenger, mais j’eus le bon sens de garder mon avis par-devers moi. Le coroner du roi était le coroner du roi ; il ferait ce qu’il avait à faire et moi aussi.
    — Monseigneur, m’enquis-je à voix basse, pourriez-vous m’expliquer pourquoi Lanercost se trouvait dans le clocher ?
    Gaveston leva les yeux.
    — Je l’ignore. Je ne lui ai pas parlé ces deux derniers jours.
    Le favori pouvait mentir, cependant je sentis qu’il disait vrai. Il y avait pourtant autre chose, un air de culpabilité mêlé à la compassion exprimée. Désireux, peut-être, d’échapper à mon inquisition, il revint vers le corps. Je me relevai. Deux chevaliers bannerets appartenant à la chambre du roi arrivèrent, équipés et armés comme

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