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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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si les Écossais avaient attaqué, pour disperser la foule. Il avait plu toute la nuit et la matinée était très fraîche. Les frères lais avaient roulé des braseros ardents dans la grande cour. Le charbon crépitait, les étincelles volaient. Une cloche tinta au fond du prieuré. Des fourniers d’une boulangerie voisine vinrent badauder pendant que j’examinais le corps mutilé de cet homme jeune qui était tombé, avait été poussé ou avait sauté. Gaveston se releva aussi. Je fus frappée par la profonde tristesse qu’exprimaient ses beaux yeux et la contraction de ses lèvres comme s’il refoulait sa peine. Le Gascon était fort navré. Bien qu’il fût le « propre frère du roi », comte de Cornouailles, favori royal, il se terrait au fond d’un couvent franciscain à York. Qui plus est, là non plus il n’était pas à l’abri. Je soupçonnais, sans avoir de preuves, que le meurtre avait suivi Lanercost dans ce clocher et l’avait expédié dans la mort. Gaveston avait le même sentiment. Trois ans auparavant, il avait été le maître, le Seigneur de Westminster, avec le pouvoir de tuer qui il voulait, mais à présent même ses propres écuyers n’étaient pas en sécurité. Isabelle avait raison : le miroir se ternissait. Dieu sait ce que l’avenir nous réservait !
    Un courrier surgit. Il s’agenouilla sur les pavés mouillés devant le monarque pour lui confier son message.
    — Monseigneur.
    Édouard s’avança et, d’une main chargée de bagues, agrippa le bras son ami.
    — Peter, mon frère, ajouta-t-il d’une voix dénotant l’urgence, d’autres obligations attendent ; nous venons de recevoir des nouvelles du Sud. Mathilde, mon cœur*…
    Son visage s’adoucit. Il eut ce sourire qui lui donnait ce charme languide qui pouvait si bien vous désarmer.
    — Faites-le pour moi, Mathilde…
    Il fouilla dans l’escarcelle sous son surcot, en tira un petit moulage du sceau secret et me le tendit.
    — Votre laissez-passer. Enquêtez, Mathilde, trouvez ce qui se cache derrière tout ça. Et maintenant, Peter…
    Gaveston s’accroupit derechef. Dans un geste maternel, il pressa ses lèvres contre la chevelure éclaboussée de sang de Lanercost. Il caressa la joue du défunt, me sourit à travers ses larmes, se releva et traversa la cour derrière le roi. Le père prieur accepta qu’on emporte le cadavre au dépositoire. Je glissai le sceau de cire dans la bourse cousue à ma robe et regagnai l’église. À première vue, la nef était déserte. Isabelle et ses suivantes étaient sans doute parties par la porte latérale. Je m’enfonçai plus avant dans la pénombre et scrutai alentour. En ces lieux anciens et sanctifiés, les ombres tapies dans les recoins étaient prêtes à en sortir dès que la nuit tomberait. L’air fleurant l’encens retenait les échos du plain-chant, des cloches et des paroles sacrées de la messe. Un silence de mort régnait à présent. Des statues délabrées d’anges et de saints, le visage baignant dans la lueur des cierges, me fixaient de leurs yeux vides. Des gargouilles grimaçaient dans la pénombre. Plus tôt dans la journée Lanercost était entré céans. Il s’était dirigé vers un coin sombre et avait gravi les marches du clocher jusqu’en haut. Pourquoi ? Se sentait-il responsable du meurtre de son frère et s’était-il suicidé ? L’avait-on attiré dans un piège puis précipité dans la mort ? Mais pourquoi tuer Lanercost, l’un des Aquilae Petri ? Je sursautai. Dans ce demi-jour, les couinements et la débandade des souris résonnaient de façon sinistre.
    — Bonjour, dame Mathilde.
    Je pivotai sur mes talons, la main sur la bouche, en voyant les Beaumont sortir avec nonchalance du recoin où se dressaient les fonts baptismaux. Ils étaient tous les trois emmitouflés de manteaux d’un vert éclatant. Je compris qu’ils avaient dû se retrouver en secret dans ce renfoncement vide de l’église.
    Je m’inclinai, dissimulant mon malaise sous la courtoisie.
    — Messeigneurs, madame !
    — Nous étions ici, déclara Henry en rabattant l’étoffe qui lui protégeait la bouche.
    — En effet, monseigneur. À prier ?
    — Nous devons tous prier, Mathilde.
    — Certains davantage que d’autres, n’est-ce pas ?
    — Il est vrai, releva Lady Vesci en souriant.
    Elle s’approcha et, comme une amie, me serra les mains avec force. En réalité, elle désirait que je reste. Elle prit un air inquiet.
    — Ce

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