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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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malheureux chevalier était bien l’un des écuyers de Gaveston ?
    Sa voix sonnait faux ; elle appartenait au camp de Gaveston, mais je doutais qu’elle l’appréciât.
    — Qu’est-il arrivé ? s’enquit Louis de cette voix melliflue qu’adoptent certains prêtres, estimant peut-être que les laïcs sont plus malavisés qu’un vol de linottes.
    —  Domine, répondis-je en libérant mes mains, il semble que Lanercost ait chu du clocher.
    — Qu’y faisait-il ?
    — Il ne me l’a point dit, rétorquai-je. Je dois encore m’informer mais, à coup sûr, puisque vous étiez ici, messeigneurs, vous avez dû le voir pénétrer dans le clocher…
    Ils firent, à l’unisson, un signe de dénégation. Dans toute autre circonstance cela m’aurait amusée, mais les Beaumont n’étaient jamais amusants ; ils étaient juste dangereux dans leur ambition démesurée. Je les saluai.
    — Je dois m’en aller.
    Sir Henry s’avança, yeux verts perçants et mine revêche.
    — Madame, Mgr Gaveston traite-t-il en secret avec les Écossais ?
    — Pour ce que j’en sais, il pourrait bien traiter avec Satan. Il n’aborde pas ces sujets avec moi. J’ai d’autres devoirs.
    — Il en va ainsi pour nous tous, remarqua Henry avec un sourire. Mais…
    Il haussa les épaules et me congédia d’un geste.
    Je m’inclinai derechef et m’éloignai vers l’ombre grandissante du recoin où se trouvait la porte du clocher. Je m’arrêtai, la main sur le loquet, me retournai et regardai derrière moi. Les trois Beaumont m’avaient suivie et, tout près de moi, m’observaient. Certaines informations données par Isabelle me revinrent en mémoire. Les Beaumont étaient de puissants seigneurs de l’autre côté de la frontière écossaise. Sous le règne du vieux roi ils avaient reçu de grands domaines, des châteaux, des granges et des fermes. Cela expliquait l’intérêt qu’ils portaient à Gaveston. Si Édouard s’entendait avec Bruce, qu’adviendrait-il de leurs terres ?
    — J’admets, monseigneur, que vous vous souciiez de Gaveston et des affaires écossaises, mais cela ne me concerne point.
    Henry haussa les épaules.
    — Il pourrait en aller autrement un jour, Mathilde ! Les heures de Gaveston sont sans aucun doute comptées. Sa Grâce le roi ne peut errer sur les routes de ce pays tel un niais de pèlerin ou un miséreux. Il devrait se trouver dans le Sud, à Westminster.
    — Dans ce cas, fis-je remarquer, c’est à vous de lui en faire part, pas à moi. Adieu.
    J’appuyai sur le loquet, la porte s’ouvrit et j’entrai. L’escalier était si sombre que je faillis pousser un cri quand une silhouette se leva dans l’ombre. Je reculai. Le frère lai dans sa bure grise ressemblait à une gargouille descendue du mur : figure émaciée et osseuse, yeux exorbités, lèvres sans cesse en mouvement et oreilles décollées comme les anses d’une jarre. Il gratta son crâne chauve.
    — Je suis désolé, madame, désolé.
    Ses lèvres se remirent à bouger comme s’il se parlait à lui-même.
    — Qui êtes-vous ? questionnai-je en m’approchant.
    — Frère Eusebius, le carillonneur. Je fais sonner les cloches de l’église. Je le fais toujours. Je l’ai toujours fait.
    — Vous savez donc ce qui s’est passé ? Pourquoi n’êtes-vous pas sorti ?
    — J’avais peur, avoua-t-il d’une voix tremblante. Vraiment peur, madame. Je suis bien sorti pour jeter un coup d’œil par la porte. J’ai vu le roi et Mgr Gaveston. J’ai compris que l’homme qui avait chu était un des leurs. On aurait pu croire que j’avais fait quelque chose de mal. Je suis navré.
    Je tendis le bras pour effleurer sa main tavelée sillonnée de veines.
    — Du calme maintenant. Êtes-vous le gardien du clocher, frère Eusebius ?
    — Non, son assistant.
    Eusebius montra les lourdes cordes résistantes qui pendaient.
    — Je les sonne avant la première messe.
    Il eut un sourire benêt.
    — Nous les appelons Pierre et Paul. Je suis aussi le gardien de l’ossuaire qui se trouve dans le transept. Allez voir la fresque, le Christ délivrant de l’Enfer les âmes des patriarches et des prophètes.
    Il me fit signe d’entrer.
    — Vous êtes la bienvenue. J’ai peu de visiteurs.
    Je fermai l’huis et regardai autour de moi. La chambre d’Eusebius, en fait rien de plus qu’une alcôve meublée d’une paillasse, d’un tabouret et d’une table bancale, était misérable avec ses coins tapissés

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