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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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devons mettre fin à cette bouffonnerie.
    Tout était dit, en quelques mots. Les dés, pipés ou non, avaient roulé et Isabelle était déterminée. J’étais loin de comprendre alors quelle pourrait être l’issue du jeu. J’avais, en ce temps-là, pour devoir à la Cour de conseiller et de protéger ma maîtresse. Il arrivait que cela implique sinistres secrets et ombres criminelles, se perdant parmi moult autres sujets ordinaires qui emplissaient mes journées, car Isabelle, à présent, était à la tête d’une importante maison. Elle était la domina de domaines étendus, que ce soit les manoirs de Torpel et d’Upton en Angleterre ou le comté de Ponthieu en France. Elle régentait un Échiquier, une chancellerie et des chambres de comptes. Les grands départements de sa maisnie étaient dirigés par des clercs royaux comme William Boudon, John de Fleet et Ebulo de Montibus. Elle disposait de trois cuisiniers, de deux apothicaires, d’une foule de majordomes, de panetiers préposés aux réserves d’épices et de chefs du protocole, de palefreniers pour les écuries, de lingères et de buandières. Ses grands coffres, ses arches et ses cassettes regorgeaient d’objets précieux, qu’il s’agisse de l’anneau de saint Dunstan ou de tissus aux délicates broderies sortis des métiers flamands. Isabelle possédait des faucons, des laniers, des gerfauts, des lévriers et des chevaux de toutes espèces : poneys de bât, palefrois et destriers. Je n’avais pas à m’occuper de menus détails, mais devais tout surveiller et veiller au respect des ordres de la reine. Je m’assurais qu’on n’allumait plus de feux après le dimanche de Pâques, qu’on nettoyait les âtres, qu’on les décorait de guirlandes et qu’on suspendait des rideaux de lin devant les fenêtres pour éviter les courants d’air du printemps. Je portais un soin particulier aux cuisines, à la dépense et à l’épicerie. Le plus grand risque qu’encourait la santé d’Isabelle, c’étaient des aliments avariés ou des façons de faire douteuses. J’insistais pour que tous ceux qui servaient la souveraine au-dessus de la nef, cette splendide salière en forme de navire, lavent et frottent souvent leurs mains, ainsi que tous les récipients, tous les couverts mis sur sa table.
    D’autres tâches m’attendaient hors de la maison. L’arrivée de la Cour au prieuré avait attiré une horde de mendiants, qui sincères, qui fripons. Ils se regroupaient près des grilles en quémandant l’aumône. J’étais responsable du « pain de la reine » et des « pence de la reine ». Je m’occupais souvent de ces charités après l’Angélus, mais il m’arrivait de les abandonner à d’autres. Un vagabond, pourtant, avait retenu mon attention. Il se faisait appeler « le Pèlerin des Terres gâtées ». C’était un homme svelte, l’air rébarbatif, la peau mate, que l’on reconnaissait sans mal grâce à son regard fixe et hagard et à la grande tache de naissance violacée qu’il avait sur la joue droite. Voix sonore et stature impressionnante, il était évident qu’il avait séjourné outre-mer sous le soleil brûlant de Terre Sainte. Je l’avais remarqué à diverses reprises, surtout parce que l’aumônier royal racontait que le Pèlerin avait eu l’audace de formuler une requête pour « voir la reine ou quelqu’un de son entourage ». Bien entendu sa demande avait été rejetée : d’autres travaux urgents accaparaient nos journées. Néanmoins ses yeux implorants et sa voix stridente ne quittaient pas mon esprit. Quoi qu’il en soit, à cette époque, alors que la routine trépidante laissait peu de temps ne serait-ce que pour se pencher sur ce genre de demandes, je ne pouvais deviner quel rôle important il devait tenir dans le mystère sanglant qui se jouait autour de nous.
    Tout en vaquant avec diligence à ces travaux ordinaires les premiers jours suivant mon retour de la lande, je n’oubliais point cette journée-là. Le mal avait été semé à pleines mains et le péché est une pousse fertile. Ma maîtresse et moi, agenouillées sur des prie-Dieu à l’entrée du jubé, assistions à la messe dans l’église du prieuré. Le frère Stephen Dunheved, splendide dans les vêtements sacerdotaux de la liturgie pascale, était en train de conclure l’office. Les cloches sonnaient ; Dunheved levait la main pour nous bénir. Perdue dans mes pensées, je contemplais la statue en bois de Judas

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