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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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maraudeurs, ses émanations fétides, ses cris à vous glacer le sang qui résonnaient telles des voix spectrales. Des rats pullulaient, grisâtres dans la faible lumière ; des matous chassaient ; des chiens hurlaient. La pleine lune, dégagée des nuages, inondait la ruelle d’une clarté d’argent. Nous dépassions seuils et porches, trous noirs recelant Dieu sait quelles terreurs, quelles horreurs. Demontaigu avait sorti son épée et sa dague et notre guide brandissait un solide gourdin. Entendant du bruit, je pivotai sur mes talons. Malgré les épaisses ténèbres, je distinguai la silhouette, masquée et encapuchonnée, que j’avais vue pour la dernière fois à La Route de Damas alors que nous rentrions des landes. Je la reconnus. C’était Furnival, le malandrin, et je me demandai si Ausel le suivait de près. Nous continuâmes notre chemin. Le Pèlerin fredonnait une chanson ; Bertrand récitait une prière de templier qui évoquait la face du Seigneur nous souriant avec bienveillance. Personne ne nous fit obstacle, personne ne nous arrêta et nous fumes enfin hors de danger. De l’autre côté de la rue s’élevait le mur du prieuré et, à travers la pénombre, nous apercevions des points lumineux dans le clocher ainsi que les lanternes sourdes du couvre-feu aux fenêtres et aux seuils. À l’angle de Pig Sty Alley de grands feux pétillaient dans de gros tonneaux. Le vent faisait danser les flammes des lumignons disposés dans les niches des murs. Je levai les yeux vers le ciel. J’avais appris bien des choses cette nuit-là, mais quel sens cela avait-il ? Quoi qu’il en soit, je pressentais que le temps de la moisson était proche ; les semences du mal allaient fleurir.
    Nous traversâmes la rue déserte. Un chien, parfois, furetait ; un chat – tache brune – nous coupa la route. Le Pèlerin nous précédait de quelques pas. J’ouïs un bruit, à gauche, tout près de la porte du Golgotha. Un cliquètement, un claquement, qui aurait dû m’alarmer, mais j’étais lasse. Le carreau vrombit telle une guêpe furieuse. Le Pèlerin hurla et recula en titubant, le trait barbelé fiché dans la poitrine. Il agita les mains comme s’il pouvait détourner le coup, le visage tordu de souffrance, et s’écroula au moment où une autre flèche sifflait dans l’air au-dessus de nous. Je criai à Bertrand de ne pas aller plus avant. Je me précipitai alors même que le Pèlerin se tournait sur le flanc, en portant la main au carreau qui l’avait tué. Le sang bouillonnait déjà sur ses lèvres ; ses talons frappaient le sol. Il me lança un regard suppliant.
    — Un prêtre, murmura-t-il, un prêtre.
    — Mathilde, Mathilde !
    Bertrand m’écarta avec douceur.
    — Écoutez, je suis prêtre, prêtre templier. J’ai été ordonné. Je vais vous entendre en confession et vous absoudre.
    Je m’éloignai à quatre pattes, scrutant les ténèbres, me demandant si l’assassin veillait encore dans les parages. Un carreau fendit l’air derechef, puis une voix claire un peu cadencée s’éleva. Ausel !
    — Mathilde, Bertrand, que vous arrive-t-il ?
    J’eus conscience qu’une ombre traversait la rue.
    Demontaigu – que Dieu le bénisse ! –, bien qu’exposé au danger, s’agenouilla près du blessé, lui chuchota quelques mots à l’oreille et leva la main pour lui donner l’absolution. Le Pèlerin, moribond, tressaillait sans cesse de douleur. Je l’entendis haleter et soupirer quand le sang gargouilla dans sa gorge ; il eut un nouveau soubresaut puis s’immobilisa. Bertrand se signa et se releva. Une silhouette sortit de la pénombre et s’élança, tel un maraudeur au pied léger se faufilant dans la nuit. Je vis un éclat d’acier. Pourtant Bertrand, sachant que le péril pouvait encore rôder, poussa le corps du défunt hors de la lumière jusque dans un recoin sombre de Pig Sty Alley. Il s’accroupit, fouilla les poches et l’escarcelle du mort, mais n’y trouva que des médailles et des piécettes. Je sentis que nous étions hors de danger. Quelqu’un attendait dans l’obscurité.
    — Ausel, est-ce vous ? appelai-je.
    L’Irlandais fit un pas en avant. Il avait beaucoup changé. Le crâne entièrement rasé, il avait l’air lugubre d’une tête de mort. Il ne portait ni barbe ni moustache, ses yeux brillaient et ses lèvres n’étaient plus qu’une fine ligne exsangue. Il s’accroupit près de nous comme s’il avait passé toute la soirée en notre

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