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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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simplement étendue sur mon lit, enveloppée d’une mante, avant de sombrer dans un profond sommeil hanté de souvenirs cauchemardesques : violence et intrigues, cheminement dans des venelles malodorantes, places éclairées de torches et corps se balançant aux gibets. Je fus heureuse de m’éveiller tôt. Je me déshabillai pour faire mes ablutions. La reine n’étant pas levée, je me rendis à la première messe et m’occupai de mes propres affaires. Au milieu de la matinée, un prieur à la mine austère célébra un requiem pour le Pèlerin ; on avait aussi trouvé près du prieuré deux autres cadavres de mendiants qu’on avait amenés pour leur administrer les derniers sacrements. L’office fut fort simple, sans encens, sans chants, avec juste les tristes mots du requiem évoquant le Jugement dernier, le retour à la poussière, les âmes des défunts conduites au ciel par saint Michel et son escorte d’anges. Ensuite je suivis le prieur et les frères dans le cimetière, où, enroulées dans leur linceul, les trois dépouilles fuient confiées à la terre. Quand le prieur eut béni la tombe, il me fit signe de le rejoindre. Il posa la main sur mon épaule et me dévisagea avec attention.
    — Madame, point ne voudrais vous offenser, mais vous êtes céans chez les frères franciscains, dans une maison dédiée à la paix, au prêche, à la pénitence, et non au meurtre et à la malemort au cœur de la nuit. Je vous veux du bien, Mathilde. Transmettez mes fidèles respects à votre maîtresse, mais je mentirais si je n’avouais pas que je serai bien aise quand vous serez partie.
    Je quittai le cimetière et demandai sans attendre à voir Isabelle dans sa chambre. Dames d’honneur, écuyers et pages, porteurs préparant arches et coffres se pressaient dans la pièce. Isabelle me jeta un coup d’œil et renvoya ses serviteurs. Plutôt pâle, elle était emmitouflée dans une épaisse robe. Je lui demandai si elle se sentait bien, mais elle m’expliqua qu’il ne s’agissait que de malaises matinaux qui passeraient. J’insistai pour lui préparer une potion aux herbes. Elle était assise dans sa chaire, les doigts au-dessus d’un poêlon de table. Je pris place sur une sellette près d’elle, me penchai et lui narrai les événements, ce que le Pèlerin nous avait appris et ce qu’Ausel avait dit. Ce n’est qu’alors que je me rendis vraiment compte à quel point elle avait mûri, combien elle ressemblait à son redoutable père, qui, pour citer un poète, « était terrible envers les fils de l’orgueil ». Elle ne m’interrompit pas, ne me questionna pas une seule fois. Quand j’en eus fini, elle tendit ses deux mains au-dessus du brasero comme pour tirer force et chaleur des charbons ardents.
    — Mathilde, je vous remercie. J’ai eu vent de tels racontars, de telles rumeurs. Parfois je m’interroge. Je ne pense pas qu’ils soient vrais ; ce ne sont que des calomnies, des contes malveillants. Le vrai danger de ces histoires n’est pas qu’elles soient véridiques, mais qu’elles puissent le devenir. Mon époux ne fait rien pour empêcher les graines de ces médisances de s’enraciner dans le cœur des hommes. Nous voici à York, pourchassés par les barons d’Angleterre, nous précipitant à Tynemouth, cherchant l’appui d’un rebelle écossais. Édouard devrait être à Westminster, le trône de ses ancêtres, à administrer la justice, à gouverner son royaume.
    On frappa à la porte. Elle se tut. Dunheved entra. Isabelle ne le congédia pas, mais lui fit signe d’avancer. Elle désigna une autre sellette puis se tourna vers moi.
    — Mathilde, je dois m’entretenir avec frère Stephen. J’ai aussi conféré avec mon époux. Demain matin au plus tard, vous et le frère ici présent…
    Elle sourit au dominicain.
    — … partirez pour Scarborough.
    Je regardai le confesseur de la souveraine, qui était assis, le capuchon à demi repoussé, les mains dans les manches de sa bure. Il était si serein, si vigilant ! Je me demandai une fois encore quel rôle ce rusé dominicain jouait dans les affaires de la Cour. Mais Isabelle était impatiente de parler avec lui, sans doute sous le sceau de la confession, et de lui rapporter tout ce dont nous avions discuté. Je m’inclinai, fis une révérence et sortis.
    À l’heure de l’Angélus, le prieuré bruissait de la nouvelle de notre départ imminent. Je préparai mes bagages. La reine n’ayant pas besoin de moi, je

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