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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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fermai et verrouillai l’huis de ma chambre, pris place à ma table de travail, sortis un morceau de vélin et décidai de rassembler mes idées sur tout ce que j’avais appris et remarqué. À peine avais-je entrepris cette tâche qu’un coup violent à la porte me fit grommeler. Je pensais que c’était un message d’Isabelle, mais c’était Bertrand. Il avait fait ses adieux à Ausel et je sentis combien le dramatique relâchement des liens entre lui et ses frères le navrait. Il prit un tabouret, évoqua le temps passé et exprima sa tristesse. Je le laissai faire, mais Bertrand était toujours attentif aux autres. Il finit par se taire, sourit et montra le morceau de parchemin.
    — Dressez-vous votre acte d’accusation, Mathilde ? Écoutez, plutôt que de rester là assis à pleurnicher comme un mendiant à la grille, je vais vous aider.
    Nous débattîmes quelque temps de ce que notre mystérieux visiteur nous avait exposé.
    — Mais son meurtre ? conclut Demontaigu en tapant du pied. Qui a bien pu l’assassiner ?
    — Les mêmes qui l’avaient tenté auparavant ? Il se peut qu’il n’ait pas été aussi oublié qu’il l’espérait.
    — Vous faites par conséquent allusion soit à Gaveston, soit au roi, rétorqua Bertrand en se levant. Certes, on remarquait la figure particulière du Pèlerin, mais le monarque et son favori sont emportés dans le tourbillon de leurs propres difficultés. Alors, était-ce un accident ?
    Je m’étonnai : que voulait-il signifier ?
    — Un rôdeur qui voulait nous attaquer tous les trois, mais que la présence d’Ausel a dissuadé et qui a fui.
    J’allais répondre lorsqu’on cogna de nouveau à la porte. Elle était encore déverrouillée et je fus surprise de voir entrer Dunheved. Les traits déformés par le courroux, il était égaré et agité. Je m’enquis de ce qui se passait. Il secoua la tête, se signa et continua à faire les cent pas. Il s’arrêtait de temps à autre pour contempler le crucifix ou les tableaux accrochés au mur. J’ai l’habitude des artifices, des faux-semblants et des fourberies, mais je compris que l’ire du dominicain était sincère. Il venait tout droit de chez la reine, qui avait dû lui répéter ce que j’avais appris la nuit précédente. Il s’interrompit enfin, haletant, et se signa une seconde fois.
    —  Mea culpa, mea culpa ! déclara-t-il en se frappant la poitrine. C’est ma faute, ma faute, Mathilde.
    Je lui désignai une sellette sur laquelle il s’assit en soupirant de soulagement. Puis il lança un coup d’œil à Demontaigu, se releva, ferma la porte et mit l’épar. Il se rassit, entoura sa poitrine de ses bras et leva les yeux sur moi.
    — Je reviens de chez la reine, Mathilde. Elle m’a dit ce qu’il en était de ce sanglant massacre à Tynemouth. Elle aurait pu être tuée ; c’est le crime qui était ourdi.
    — Ou, du moins, c’est ce que notre informateur voulait nous faire croire, corrigeai-je.
    Dunheved se frotta les joues et montra le vélin posé sur ma table.
    — Que savons-nous, Mathilde, que savons-nous donc ? De grâce…
    Il fit un geste vers la table.
    — Réfléchissons tous ensemble. Ici, avant de gagner Scarborough, d’être enfermés dans sa forteresse.
    Bien que je fusse quelque peu interloquée, j’acceptai. J’étais embarrassée par la présence de Demontaigu et surtout par celle de Dunheved, mais, là encore, la logique de ce dernier était imparable. Nous serions bientôt séparés de la souveraine, confinés dans une place forte parmi des gens qui pouvaient souhaiter nous accabler des pires maux.
    — Eh bien, Mathilde, que ferons-nous ? Et comment ? Nous partons demain pour Scarborough. J’y vais à contrecœur. Pourquoi ? Parce que Sa Grâce la reine ne nous accompagnera point. Elle se rend à Howden où elle trouvera refuge.
    Il tendit le doigt vers moi.
    — Mathilde, si vous êtes médecin des corps, moi je soigne l’âme. Quels sont les symptômes ici, quelles questions devons-nous poser ?
    Je m’emparai de ma plume et me mis aussitôt à écrire dans ce code secret que je commençais à maîtriser.
    — Trois des Aquilae de Gaveston, énonçai-je à voix haute, ont été mystérieusement tués. Tous les trois ont chu d’une grande hauteur. C’est à la fois macabre et ironique. Était-ce un jeu sur leur surnom ? S’agissait-il d’humilier les aigles en plein essor ? Nous savons que ce sont des meurtres à cause de ce

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