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Le règne du chaos

Le règne du chaos

Titel: Le règne du chaos Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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confortable, mais, pour garder à l’œil les oiseaux du roi, je m’installais souvent la nuit près d’eux.
    — Et le fenil a pris feu, n’est-ce pas ? suggéra Demontaigu.
    — Vous avez deviné. Un feu qui a éclaté en même temps devant et derrière. Là encore j’ai pu fuir. J’ai compris que j’avais été témoin de quelque chose que je n’aurais pas dû voir, mais j’ignorais qui me poursuivait. Le roi, le prince, Gaveston, quelqu’un d’autre ? Le souverain se montrait toujours affable et courtois, même si une certaine froideur s’était établie entre nous. Mon frère Reginald m’avait rejoint à Londres. Il avait fait un beau mariage avec la fille d’un marchand du coin et ils avaient un enfant. Reginald était un bon vivant. Il aimait par-dessus tout une danse ou une anecdote paillarde. Une nuit, vers la Saint-Jean-Baptiste, Reginald se rendait dans une taverne de Thieving Lane, près du corps de garde de Westminster. Il faisait mauvais temps. Un vent froid chassait la pluie venant du fleuve. Il avait pris ma chape et mon chapeau de castor. Plus tard, ce soir-là, des baillis vinrent aux volières. Ils portaient un brancard sur lequel gisait le corps de Reginald. Mon frère n’était jamais parvenu à la taverne. On l’avait retrouvé poignardé, de quatre coups au moins, dans une ruelle voisine. Vous imaginez sans mal mon chagrin, ma panique, ma peur, ma rage. Ursula, la femme de Reginald, était éperdue. Je ne pouvais guère l’aider. Je décidai de m’enfuir. J’allai me cacher à Southwark. Un jour, je franchis la Tamise pour me promener dans le quartier de St Paul, là où se rassemblent caqueteurs et clabaudeurs. Des proclamations étaient affichées sur la grande croix du cimetière. Je les lisais avec attention quand j’en vis une qui me mettait en cause, moi, Walter de Rievaulx. J’étais, paraît-il, un larron, un félon, un forban. La justice m’avait convoqué par trois fois – même si je n’en savais rien – et, comme je ne m’étais pas présenté, elle m’avait, à grands coups de corne, déclaré utlegatum – hors-la-loi –, coquin que n’importe qui avait le droit d’abattre à vue.
    — Quel était votre crime ? m’enquis-je.
    — On m’accusait de maraudage dans les volières du roi.
    Il haussa les épaules.
    — Mensonge, bien sûr, mais qu’y pouvais-je ? Si on me prenait vivant, je serais pendu aux Elms, à Smithfield. Il était plus probable que je serais tué sur le coup ou bien que je périrais de quelque mal mystérieux à Newgate. L’édit était signé de la main du maire et des shérifs de Londres. Il se trouve que j’avais emporté tout ce que j’avais pu rassembler. J’avais un seul ami, le père d’Ursula, un lainier. Je me rendis chez lui en secret. Il crut en mon innocence. Je lui remis tous mes biens afin de le payer et de secourir Ursula. Il me procura des documents, des licences et des laissez-passer, tous faux. Je partis à Douvres, puis m’embarquai pour Paris. J’y travaillai un certain temps. Mes talents de fauconnier me permirent de ne pas mourir de faim et d’obtenir pitance, habits et toit. J’écoutais ce que l’on racontait sur l’Angleterre. Le vieux roi avait mis le Nord à feu et à sang pour se venger de Bruce. Je dus aussi admettre que ma vie en Angleterre était finie. J’avais commencé à voyager et y avais pris goût. Je me sentais responsable du trépas de Reginald, du veuvage d’Ursula, de l’état d’orphelin de son fils. Je devais réparer mes fautes, pensais-je. Je partis vers le sud, à Compostelle, puis à Rome où je réservai un passage pour l’outre-mer. Je suis allé à Jérusalem. J’ai prié à l’endroit où le Christ fut crucifié et où son corps reposait dans l’attente de la Résurrection. Je me suis rendu dans le vaste désert au-delà du Jourdain. J’ai vu bien des choses, madame, puis je suis rentré. Quand enfin j’ai débarqué à Douvres, le vieux roi était déjà mort, son fils couronné, et Gaveston, le frère et favori du monarque, avait été rappelé et nommé comte de Cornouailles. On avait biffé mon nom et j’avais changé d’apparence. Ceci mis à part.
    Il montra la tache sur sa joue.
    — Qui plus est, j’avais disparu. Celui qui avait tenté de m’occire pouvait se réjouir à la pensée que j’avais fui et peut-être péri à l’étranger. C’est la première fois que je reviens dans ce comté depuis le jour où j’avais rejoint

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