Le retour de la mariée
vraiment connaissance, d’une certaine façon. Je reconnais les torts du jeune imbécile que j’étais, quand ton père s’est servi de moi pour confisquer ton héritage. Mais il faut que tu le saches, Caroline. Quoi qu’il arrive, je tiens à tenir mon rôle de père dans la vie de ce garçon. Tu es venue me chercher, je suis là. Tu n’as plus qu’à t’arranger pour en souffrir le moins possible.
Content d’avoir pu mettre les choses au clair entre eux, il lui tourna le dos.
Caroline se précipita alors vers la porte qu’elle claqua violemment derrière lui.
« Prévisible », songea-t-il.
Chapitre 6
Par la fenêtre de sa chambre, Caroline contempla l’aube qui se levait dans une symphonie d’or, de bleu pâle et de rose. Elle n’avait dormi qu’une heure pendant la nuit, recroquevillée en chien de fusil contre l’oreiller, pour éviter la partie de la courtepointe froissée par ses stupides émois.
Elle n’en était pas encore revenue. Avait-elle perdu la tête en rentrant à l’hôtel ? Faire monter ce monstre dans sa chambre, le laisser allumer en elle si sage d’ordinaire les feux de la passion, c’était le provoquer, le pousser presque à la malfaisance.
Pour se rafraîchir les idées, elle appuya son front à la vitre froide. Elle était injuste, après tout. Logan n’était responsable de rien. C’est elle qui l’avait invité dans sa chambre, elle qui en se trompant de cahier lui avait montré le dessin scandaleux. A y bien regarder, elle était encore une fois la victime de cette toquade qui l’affolait déjà quand elle n’était encore qu’une jeune fille.
— Je devrais me décider à grandir, murmura-t-elle en embuant la vitre.
Il faudrait bien qu’elle ait pleine maîtrise d’elle-même quand elle aurait à justifier sa manœuvre en arrivant à Van Horn.
Peut-être avait-elle tort de regretter ce qui s’était passé tout autant que ce qui aurait pu se passer. En échangeant avec Logan ce baiser passionné, elle avait sans doute saisi la dernière occasion de jouir d’un quelconque contact avec son mari.
A cette pensée, elle poussa une exclamation sourde, un gémissement de colère, et de frustration.
Une heure plus tard, Caroline s’apprêtait à quitter l’hôtel Blackstone. Un bon bain l’avait rassérénée, et un coup d’œil jeté au miroir une fois sa toilette achevée lui avait rendu l’assurance dont elle allait avoir grand besoin. Rien de tel que l’élégance, songea-t-elle, pour retrouver sa confiance en soi.
Lorsqu’un porteur fut venu prendre avec ses bagages les paquets oubliés par Logan, elle quitta l’hôtel.
Dans l’avenue principale régnait une sympathique agitation. Employés et ouvriers se rendaient à leur travail, l’odeur du café frais et celle du pain chaud parfumaient l’atmosphère.
Caroline entra dans une pâtisserie dont l’enseigne portait le nom des MacBride pour y acheter une brioche à la cannelle qui lui servirait de petit déjeuner ainsi qu’une superbe bûche au chocolat qu’elle apporterait à la maison avant de repartir, pendant la halte à Artesia. Arrivée à la gare avec un peu d’avance, elle y fut accueillie par les trois anciens pensionnaires de Nellie Jennings, sa grand-mère.
Elle salua Holt Driscoll et Cade Hollister avant de se tourner vers son mari, qu’elle n’osait pas regarder dans les yeux.
— Bonjour !
— ‘jour, répondit-il distraitement.
Il semblait plus intéressé par l’emballage du gâteau que par elle. Il le lui prit des mains, émit un sifflement d’admiration et rameuta ses camarades.
— Voyez-moi ça, les gars, nous sommes gâtés !
— Non, protesta-t-elle sans réfléchir, c’est pour…
Elle se reprit à temps.
— C’est pour le dessert après le déjeuner, dans le train.
— Il vient de chez Claire MacBride, fit Holt en se pourléchant. Vous savez, madame, le déjeuner, c’est bien tard. Un en-cas dans la matinée, ça vous irait ?
Il y avait tant d’espoir et de gentillesse dans le regard espiègle de ses yeux bleus que Caroline ne put que lui sourire, et se rendre.
— Tenez, dit-elle en lui tendant ce qu’il convoitait, à l’heure qui vous plaira.
— Quelle femme ! s’exclama Cade en s’emparant prestement du gâteau.
Holt et lui se mirent à se battre comme deux enfants pour savoir qui goûterait la première part du gâteau. Pour finir, Logan s’en empara, dans la bonne humeur générale. Le long voyage ne serait pas
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