Le retour de la mariée
aussi pénible que Caroline l’avait d’abord cru.
Quatre personnages à l’air douteux montèrent dans la première voiture. Sans avoir besoin de se concerter, les trois hommes dirigèrent Caroline vers la deuxième.
Comme les passagers n’étaient pas très nombreux dans le train, chaque homme occupa à lui seul une banquette en s’y allongeant. Caroline en fit autant, mais resta assise en se rencognant près de la fenêtre. On bavarda de choses sans importance, et Logan s’abstint de toute allusion personnelle, ce dont elle lui fut reconnaissante.
Deux heures après le départ, la bûche était entamée. En arrivant à Abilene, elle avait disparu.
Ayant fort peu dormi, Caroline sombra dans le sommeil après le déjeuner, et rêva. Elle se trouvait dans la cuisine, devant le poêle, où mijotait un ragoût. Suzanne n’était pas morte, elle préparait une pâte feuilletée, cela sentait bon la farine et le beurre. On entendait le rire de Will dans la pièce voisine. Et puis un homme lui passait un bras autour de la taille et la tenait serrée contre lui, elle sentait son souffle tiède, sur sa nuque.
Il se passait quelque chose. Mais elle était au chaud, bien installée, contente. Il y avait autour d’elle une odeur de linge propre et de cuir. Comme elle faisait un beau rêve, elle n’avait pas envie de se réveiller.
Elle resta donc endormie. Blottie dans ce cocon de chaleur, elle se laissa aller et rêva de plus belle.
Mais cette fois, le rêve tourna au cauchemar.
***
Perdue au milieu d’une vaste étendue, elle avait le sentiment qu’il allait se passer quelque chose d’effrayant, de terrible. Elle se mettait alors à courir avec une seule pensée en tête : rentrer à la maison. Mais comment retrouver son chemin ? A cet instant, un grand corbeau plantait ses griffes dans la chair de son épaule et battait des ailes, créant ainsi un vent violent, qui contrariait sa course. Le corbeau croassait soudain et la plaine se transformait en marais boueux. Ses pieds s’enfonçaient et elle tombait à genoux.
Alors à l’horizon apparaissait une lumière sur laquelle se détachait une silhouette noire, les bras écartés. Le tonnerre grondait. Au loin, elle entendait le claquement des sabots d’un cheval au galop. A la lueur des éclairs lui apparaissait bientôt un cavalier noir sortant de l’ombre sur un cheval noir lui aussi. Sous le large bord de son chapeau noir, les yeux rouges de l’homme flamboyaient.
Caroline voulait crier, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Les éclairs l’aveuglaient, les échos du tonnerre l’assourdissaient. Le cavalier de l’enfer la dépassait alors pour se diriger vers la silhouette dont les bras s’agitaient à présent, comme pour l’appeler ou le chasser.
Caroline entendait un cri aigu, une plainte déchirante. Et puis un rire. Un rire rauque, démoniaque, si effrayant que le corbeau enfonçait plus profondément encore ses griffes.
Elle se débattait, luttait contre la boue qui menaçait de l’engloutir. Et puis la foudre s’abattait et s’épanouissait, illuminant la scène. Le cavalier était sur le point d’atteindre la silhouette dont les bras battaient à toute vitesse à présent. Et de nouveau ce cri… « Maman ! »
***
— Will ! cria-t-elle en se réveillant en sursaut.
Elle avait agrippé le bras de Logan auquel elle s’accrochait comme si sa vie en dépendait.
— N’aie pas peur, ma chérie, lui murmura-t-il à l’oreille, tout va bien. Ce n’était qu’un rêve.
La tête lourde, l’esprit engourdi, Caroline sentit son sang se glacer dans ses veines. Elle avait peur.
— Will…
— Tu rêvais de lui, sans doute, dit Logan en passant doucement la main sur son front pour en écarter ses cheveux. N’aie pas peur, nous le retrouverons. Je te comprends, tu sais. Tu as toutes les raisons de te faire du souci. C’est un lourd fardeau à porter, mais je suis là.
— Il faisait sombre, il y avait des éclairs… Oh mon Dieu !
Logan lui tapota le genou, pour la rassurer.
— Pendant que tu dormais, nous avons traversé un orage. Et il me semble bien qu’un autre se prépare. C’est la saison.
En jetant un coup d’œil par la fenêtre, Caroline crut reconnaître le décor de son rêve, une immense étendue sans aucun relief, de chaque côté du train qui filait vers l’Ouest. Dans le ciel, un énorme nuage noir s’élevait à l’horizon, obscurcissant le paysage.
Pour éviter la panique, elle
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