Le retour de la mariée
refusa de voir dans cette coïncidence un avertissement du destin. L’heure n’était pas à l’affolement.
— La terre a besoin d’eau, dit-elle pour donner au phénomène un caractère positif et banal.
En cherchant à se redresser, elle s’avisa que Logan la tenait par la taille.
— Tu as changé de place, constata-t-elle sans penser à protester.
— J’en avais assez de voir ta tête pencher sans arrêt de droite et de gauche. Gare au torticolis ! Et puis au premier coup de frein tu pouvais tomber en avant.
Caroline savait bien qu’en principe elle aurait dû se redresser et mettre entre elle et son mari une distance raisonnable, mais elle n’avait pas envie de s’imposer cet effort. Son rêve la tracassait encore, et Logan lui apportait le réconfort dont elle s’était si souvent sentie privée pendant tout ce temps. Logan était le père de Will. Il pouvait la soutenir dans les moments difficiles, sans que personne n’ait rien à dire.
— J’ai dormi longtemps ?
— Deux heures, à peu près. Tu avais du sommeil à rattraper.
— C’est vrai, admit-elle. J’ai mal dormi, la nuit dernière.
— Tu as fait d’autres cauchemars ?
Trop lasse pour mentir ou trouver une échappatoire, Caroline se trouva contrainte à la franchise.
— Je ne pouvais pas cesser de penser à ce qui est arrivé, avoua-t-elle.
— Tu veux dire… dans ta chambre ?
— En fait, je n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé.
— Je le comprends très bien, moi. Tu vois ces éclairs, au loin ? Ils ne préviennent pas, rien ne les arrête. Nous avons eu le coup de foudre, il y a quinze ans… et nous en subissons encore les effets aujourd’hui.
Quel beau parleur ! Il n’avait pas perdu ses talents en vieillissant !
— Ce n’est pas normal ! protesta-t-elle pour la forme.
Il sourit en lui caressant du doigt le contour de l’oreille.
— Rien de plus normal, au contraire ! Mais la chose est très rare, paraît-il. A nous d’en profiter ! Une chance pareille, il faut la saisir !
— Voilà bien des paroles d’homme, soupira-t-elle.
— Et toi tu parles comme une femme qui a été privée de l’un des plus grands plaisirs de l’existence, dit-il avec sollicitude. Depuis hier j’ai bien réfléchi, comme je t’avais promis de le faire. Quand j’ai su que pendant tout ce temps tu étais restée seule, sans homme, j’ai failli tomber à la renverse. Avoir ton tempérament, ton allure et tout ce qui peut plaire aux hommes, et ne fréquenter personne, ça dépasse l’imagination.
Sensible à sa véhémence, qui témoignait de sa sincérité, Caroline l’écoutait. Pour un peu, elle se serait attendrie sur elle-même.
— J’en déduis que tu dois être à cheval sur les principes quand il est question de mariage, conclut-il.
— Je respecte les commandements de la Bible comme je peux, dit-elle en évitant de croiser le regard de Logan. Detous les péchés, l’adultère est peut-être le seul que je suis certaine de n’avoir jamais commis.
Visiblement ravi, Logan affichait une mine triomphante.
— Tu dois être contente alors, entre nous il n’y a pas de problème. Nous pouvons coucher ensemble sans remords, quand on veut. Tu n’as plus à te priver, voilà la bonne nouvelle.
Pour lui faire partager sa satisfaction, il lui tapota une fois de plus le genou, en riant de bon cœur.
Son œil tuméfié reprenait une apparence normale. Caroline faillit lui pocher l’autre. Quelle inconscience, et quelle grossièreté ! Pour ne pas l’accabler d’injures et recouvrer son sang-froid, elle dut se mordre vraiment la langue, jusqu’à se faire mal.
— Puisque tu as réfléchi, dit-elle, je peux savoir ce que tu me proposes ? De vivre comme mari et femme, comme tous les couples mariés ?
— Pour ce qui est du sexe, aucun problème. Mais à part ça, je ne suis pas du genre à mettre des pantoufles le soir au coin du feu. Mon métier m’en empêche, de toute façon. Mais j’ai bien l’intention de ne pas perdre Will de vue. Je serai donc là le plus souvent possible. Je pense que c’est une bonne solution, chérie. Ta vie n’en sera pas bouleversée, et tu ne dormiras pas toujours seule.
— J’en ai de la chance, murmura-t-elle entre ses dents. La vie de famille, ça ne te dit rien ?
Le visage de Logan s’assombrit.
— Quand j’ai perdu la mienne, j’avais cinq ans. Et puis après… disons qu’il vaut mieux pour tout le monde que
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