Le retour de la mariée
attention sur les dessins.
— Il a les cheveux roux ? Tu m’as dit qu’ils étaient noirs, comme les miens.
— Ils étaient roux à la naissance. Mais en quelques semaines, ils ont foncé.
Logan ne s’était jamais intéressé aux très jeunes enfants. Il ne se sentait rien de commun avec eux. Mais avec celui-ci, tout était différent. En tournant les pages une à une, il voyait son fils grandir peu à peu.
— Il a vraiment mes yeux, dit-il en s’enrouant un peu.
— Il a tout de toi, dit Caroline. Je le savais déjà, mais en te voyant hier à la banque j’en ai été saisie.
— Je suis certain qu’il tient de toi aussi. Dis-moi ce que tu lui as donné.
Elle réfléchit un moment, mais finit par hausser les épaules.
— Eh bien… je ne sais pas.
— Allons donc ! fit Logan, qui était avide d’en savoir plus sur sa femme tout autant que sur son fils. Dis-moi. Will est…
— Il a mon caractère, dit-elle enfin, en souriant à demi. Impulsif et emporté, mais nos accès ne durent pas, nous nous apaisons vite. Et puis il adore le chocolat, comme moi.
Logan l’observa, regarda un dessin, l’observa encore.
— Tout petit, il a déjà ton sourire, dit-il, un beau sourire, un sourire engageant, qui rend heureux ceux qui le reçoivent.
Caroline rougit un peu.
— C’est un enfant heureux, déclara-t-elle. Il l’était, plutôt. Je ne l’ai pas vu souvent sourire depuis la mort de Suzanne.
Dans ses beaux yeux violets, il vit passer une ombre de tristesse. Il lui prit la main et la pressa entre les siennes, pour la réconforter.
— Nous le ramènerons sain et sauf, Caroline. Je te le promets.
Elle lui sourit, les lèvres un peu tremblantes. Il arrivait aux dernières pages du cahier de croquis. Plusieurs d’entre eux la représentaient. Il s’attarda à la contempler jeune, vaillante, courageuse, et l’admira.
— Je peux voir l’autre ? Tu vas me commenter les dessins.
Quand elle lui tendit le cahier, il la prit par le bras et la fit s’asseoir à côté de lui.
— Je peux rester debout !
— A force de relever la tête pour te regarder je vais avoir le torticolis. On sera plus à l’aise ainsi.
Déconcertée, Caroline prit place sur le lit épais en prenant soin de laisser entre elle et lui un assez grand espace. Logan riposta en s’approchant d’elle pour tenir le cahier ouvert, à moitié sur ses propres genoux, à moitié sur ceux de Caroline. Il respira son parfum frais. Le premier croquis représentait Will jouant avec un chien. Dans son esprit passa l’image d’un autre enfant jouant avec un chien, mais il l’effaça et s’éclaircit la voix.
— Il a bien grandi ! Le voilà donc à six ans ?
— Non, je me suis trompée. Il s’agit de sa cinquième année.
— Suzy la Terreur maniait le crayon aussi bien que le colt !
— C’était une grande artiste. Elle aimait peindre des paysages, des couchers de soleil, mais Will a toujours été son sujet préféré.
— Elle l’aimait, cela se voit, admit Logan qui, eu égard à l’art et à son fils, se laissait attendrir par le talent de Suzy la Terreur. Et celui-ci ?
On y voyait Will devant une enseigne de coiffeur. Le regard de Caroline se fit nostalgique.
— Là, il sort de chez le coiffeur après sa première coupe. Quand il a vu le siège réglable, il l’a renversé en hurlant.
— Et alors ?
— Alors le coiffeur s’est assis par terre et lui a demandé d’en faire autant. Et tout s’est bien terminé.
Ils rirent de bon cœur. Quand Logan eut tourné la page, son rire s’étrangla. Les yeux écarquillés, il retenait son souffle.
Le dessin en couleurs, très fouillé, avait pour sujet la baignade. A genoux au bord de la rivière, Will jouait dans la boue. La noirceur de ses mains et de son visage mettait en valeur la blancheur de ses dents, qui semblaient prêtes à mordre. Suzanne Whitaker s’était représentée assise sur un coussin, en train de dessiner en souriant.
— Oh mon Dieu ! s’exclama Caroline, il ne faut pas le regarder, celui-là !
Elle tenta d’arracher le cahier des mains de Logan, mais il ne se laissa pas distraire de sa contemplation.
Il la voyait dormir sur une couverture, ses longs cils reposant sur la roseur de ses joues. Sa chevelure flamboyante, rassemblée en désordre au-dessus de sa tête, était en partie mouillée. On voyait sur ses épaules et sur ses joues des gouttelettes ruisselantes. Son visage était celui d’une
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