Le retour de la mariée
secoua la tête en signe de regret, avant d’aller plus loin.
— Depuis ce jour-là, je me dis souvent que j’aurais dû répondre à sa place, il aurait pu hésiter ou s’énerver, on aurait pu se sauver peut-être. Mais au début, on a cru que Ben venait de rentrer avec un de ses amis, et qu’il lui avait offert à boire.
— Ce qui était tout à fait vraisemblable en effet, commenta Logan pour encourager le narrateur et lui permettre de reprendre sa respiration.
— Will s’est mis en avant et il a dit : « C’est moi. » Alors cet homme s’est levé pour s’approcher mais, au lieu de lui serrer la main, il lui a mis le canon de son revolver sur la tempe. Il s’est tourné vers moi et m’a demandé mon nom… Et moi, comme un imbécile, je le lui ai donné. Alors il m’a dit : « On va se mettre d’accord, Danny Glazier. Ben Whitakerrefuse de m’aider. Will va venir le voir avec moi. Je compte sur lui pour que le vieux devienne raisonnable. »
Danny baissa les yeux et envoya d’un coup de pied son calot vert rouler au loin.
— Alors Will a fait sa tête de mulet…
— Sa tête de mulet ?
— Will est têtu, monsieur. Vraiment têtu. Ben dit souvent qu’il faut le traiter comme un mulet rétif qu’on veut faire entrer au corral. Ne pas lui prendre la bride ni le pousser, mais entrouvrir la barrière. Alors il fonce, et on n’a plus qu’à fermer derrière lui.
L’estomac douloureusement crispé, Logan s’attendait au pire.
— Alors, qu’est-ce qu’il a fait ?
— Will l’a attaqué, il s’est battu, mais l’autre a eu vite fait de l’assommer, et Will est tombé par terre.
Cette crapule allait payer cher son crime !
Danny avait de nouveau les larmes aux yeux, mais il les essuya vaillamment.
— Je ne savais pas quoi faire, monsieur. Sur le moment, j’ai cru que Will était mort. J’ai failli faire dans ma culotte. Le bandit jurait, il allait lui donner un coup de pied, alors je me suis mis entre les deux et j’ai reçu le coup à sa place. Au moins, ça, je l’ai fait.
Il laisserait son corps aux coyotes !
— Il était fou de rage, complètement fou, poursuivit Danny, dont le débit s’accélérait au fur et à mesure qu’il se libérait. Il m’a donné dix secondes pour aller chercher de l’eau, il l’a jetée sur la figure de Will qui s’est aussitôt réveillé. Il l’a remis debout et il lui a crié dessus en lui disant que s’il recommençait il reviendrait après l’avoir livré aux autres pour faire à la maman de Will ce qu’il avait fait à Suzanne. C’est à ce moment-là qu’il s’est vanté d’avoir poussé Suzanne dans l’escalier. Il a raconté comme elle était toute cassée, les yeux ouverts. On aurait cru entendre le diable en personne. Alors il m’a regardé et il m’a promis de… de tu… de tuer ma mère à moi, si je disais un seul mot sur lui.
A bout de souffle, il se tut.
— Est-ce qu’il a dit son nom ?
— Non, monsieur.
— Tu vas me le décrire aussi bien que tu peux.
Danny s’essuya les lèvres du revers de la main, en fronçant les sourcils. Il rassemblait ses souvenirs.
— Voilà. Il est grand, mais pas autant que vous. Comme mon père, à peu près. Les cheveux châtains, les yeux bruns, une moustache. Il n’a pas l’air d’un bandit. S’il était en costume, il pourrait passer pour n’importe qui.
— Rien de particulier ? Réfléchis bien. Pas de cicatrice au visage ?
— Non, monsieur. Rien de particulier.
Logan devrait donc se contenter de cette description vague. L’identification aurait été trop facile, autrement.
— Bien. Il a donc dit qu’il avait besoin de Will pour convaincre Ben Whitaker de l’aider. Est-ce qu’il a parlé du canyon du Fantôme noir ?
— Le canyon du Fantôme noir ? répéta Danny, que cette expression surprenait. Non, pas du tout.
— Raconte-moi la suite.
— Il nous a demandé ce que nous étions censés faire tous les deux. Will lui a dit que toute une équipe de base-ball nous attendait, et que nos copains allaient sûrement venir nous chercher en ne nous voyant pas. Alors l’homme m’a dit de filer et de ne rien dire à personne si je ne voulais pas qu’il arrive malheur à ma mère. Je me souviens de ses paroles, parce qu’il m’a fait peur. « Un bon fils fait tout pour sa mère, mon garçon. Un malfaisant a menacé la mienne d’un couteau, je l’ai retrouvé, et je l’ai écorché vif, avec ma lame que
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