Le retour de la mariée
voilà. » Il l’a un peu tirée du fourreau, et je crois bien que j’ai vu du sang…
Logan retint sa respiration, sans que Danny s’en aperçoive.
— Il avait l’air si méchant que je l’ai cru, monsieur Grey. En y repensant, je me suis dit qu’il aurait mieux fait de setaire, puisqu’il venait de menacer la mienne. Mais sur le coup, je n’avais pas le temps de réfléchir.
— Deuce Plunkett, murmura Logan.
Il possédait toutes les pièces du puzzle, à présent. Elles s’assemblaient parfaitement. La lettre adressée par Fanny Plunkett à Ben Whitaker était à l’origine de toute l’affaire. Que Deuce, l’un de ses fils, vienne enlever Will pour faire parler Ben, éclairait l’ensemble. Ace et Deuce Plunkett, les jumeaux, étaient réputés pour leur férocité. L’anecdote de l’agresseur écorché quelques années plus tôt était célèbre dans tout le Texas.
— Vous le connaissez ? demanda Danny, qui faisait les yeux ronds.
— Je le connais. Grâce à toi, je vais pouvoir poursuivre le bandit, d’autant mieux que je sais où il va.
— Alors vous allez sauver Will. Et je n’aurai plus rien à craindre pour maman ?
— Exactement.
Danny poussa un long soupir de soulagement.
— Tant mieux, dit-il. C’est vraiment une bonne nouvelle. Sauf que…
— Quoi ?
— Ce que je viens de vous dire, vous n’allez pas le garder pour vous ?
— Non, bien sûr. Tu penses à tes parents ?
— Ils n’aiment pas le mensonge. Cette fois, c’est pire encore. Papa m’a déjà tanné les fesses pour presque rien. Je ne vais pas m’asseoir pendant huit jours.
— Eh bien, dit Logan en se frottant la nuque, je n’ai guère d’expérience dans le rôle de père, mais quand le tien saura pour quelle raison tu n’as rien dit, il me semble qu’il devrait te pardonner. C’est ce que je ferais, à sa place.
— Vrai ? Ce serait bien que vous le disiez à papa !
Logan lui posa un bras sur les épaules.
— Tu peux compter sur moi, dit-il en le secouant affectueusement. On rentre à la maison ?
— On pourrait finir la partie, suggéra Danny.
La proposition semblait séduisante.
— Il n’y a pas d’autre train vers l’Ouest, à cette heure-ci ?
— Pas avant demain.
— Alors puisque je ne peux rien faire d’utile, autant me distraire. Dans l’action, c’est l’attente qui est insupportable. Et puis, poursuivit-il en regardant les billes éparses sur le sol, ce calot bleu, j’aimerais bien le gagner.
— Essayez toujours ! lança Danny Glazier en guise de défi.
Ils se remirent à jouer. Ce garçon méritait bien un moment de détente, après l’épreuve qu’il venait de subir en vivant pendant des jours dans l’angoisse. De plus, le jeu ne déplaisait pas à Logan, et la conversation de son adversaire lui permettait de mieux connaître son fils. Par exemple, Caroline ignorait sans doute que Will était champion dans l’art de cracher des graines de pastèque à longue distance, et qu’il avait embrassé Jo-Ellen Knautz derrière la grange de ses parents, le soir de Noël.
A la troisième manche, Danny remporta la victoire.
— Si vous voulez, proposa-t-il généreusement, on recommence. Vous aurez peut-être plus de chance, cette fois-ci.
Logan aurait volontiers accepté l’offre, d’autant que le calot bleu lui faisait vraiment envie, mais il venait de remarquer du coin de l’œil la présence, un peu plus haut, de Caroline. Elle avait les mains sur les hanches, et son regard laissait présager la tempête.
— Vaut mieux rentrer, murmura Danny. La dernière fois que j’ai vu Mme Grey sur la hauteur et dans cet état-là, Will n’en menait pas large. Ramenez-le, monsieur. C’est mon meilleur ami.
— Tu le reverras, Danny, je te le promets. Il reviendra chez lui.
***
Chaque fois que Plunkett lui tournait le dos, Will Grey ne quittait pas des yeux la poignée de sa longue lame, au-dessus du fourreau. Serait-il assez vif et adroit pour la lui enlever,assez hardi pour frapper ? Après plusieurs jours passés seul avec lui, il en avait moins peur. Et sa fureur et son désir de vengeance ne faisaient qu’augmenter.
Deuce Plunkett méritait l’enfer. Il avait tué l’adorable Suzanne. Il avait conduit Ben à la folie. Et maintenant sa mère avait sans doute appris son enlèvement ! Elle devait être au désespoir, elle allait mourir de chagrin. Tout cela par la faute de Deuce Plunkett.
S’il avait la force de le tuer,
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