Le retour de la mariée
hériter de tous ses biens. Il lui disait qu’elle était le seul amour de sa vie. Tu vois d’ici la tête de maman, qui l’a supporté pendant des années. Mais elle a retrouvé le sourire quand elle a vu le plan d’accès au trésor.
— Le trésor de Geronimo, murmura Will.
— Ou bien un autre, si ça se trouve. Sur le coup, j’ai pensé qu’après ça maman serait plutôt contente que j’aie tué Suzy la Terreur. Elle aurait même dû me féliciter, parce qu’une femme n’aime pas que son mari ait une autre qu’elle en tête, depuis toujours en plus. J’avais tort, encore un coup !
— Votre mère aimait bien Suzanne ?
— Bien sûr que non ! Mais la carte est codée.
— Codée ? C’est-à-dire ?
— Du diable si j’y comprends quelque chose !
Il se tut encore, et Will crut qu’il en avait fini. Mais il se trompait.
— Le code, c’est des choses que Shotgun savait, et que Suzanne savait aussi. Maintenant qu’ils sont morts tous les deux… C’est pour ça que j’ai dû venir te chercher, gamin. Maman a besoin que Ben lui explique, parce que lui aussi connaît le code, bien sûr. Mais après ce qui est arrivé à sa femme, il ne veut rien entendre. Alors j’ai refait le voyage. Tu es pris en otage, mon garçon. Ben ne voudra pas qu’on te fasse du mal. Alors il va déchiffrer le code. Et maman, mon frère et moi, nous serons riches ! A nous les tas d’or ! Et maintenant, trêve de parlotte. Donne-moi mon dîner, j’ai assez bu.
— Oui, chef.
Will versa le porc fumé et les haricots dans l’écuelle métallique, en se brûlant les doigts. A défaut de poignard ou de colt, il se servirait du plat comme arme. Mais comment ? Jamais il n’aurait le courage de s’approcher si près de l’ennemi !
Le cœur au bord des lèvres, il s’avança. Surtout, il ne devait pas trembler. Il était tout près du bandit à présent. A cette distance, Lucky Logan Grey n’hésiterait pas. Oui, mais Lucky était l’homme le plus chanceux du Texas. En même temps, n’était-il pas le fils de Lucky Logan ?
Deuce Plunkett tendit la main pour saisir la gamelle. Dans un sursaut, Will lui appliqua le plat brûlant sur le visage, bien à plat, en poussant un grand cri.
Plunkett hurla de rage et de douleur. De la main gauche, Will effleura le pistolet mais, rapide comme l’éclair, l’assassin le fit jaillir de son étui, le prit par le canon et frappa.
— Bon Dieu, je vais te tuer, je vais te tuer, bafouilla-t-il, écumant de rage.
Il frappa encore. Will roula sur le sol, se releva dans le même mouvement et repartit à l’assaut, avec l’audace du désespoir, frappant des poings, des pieds, prêt à mordre. Mais le bandit était plus grand, plus fort, et plus expérimentéque lui. Il lui suffit d’un coup de coude à la tempe pour se défaire de son jeune agresseur.
Pendant que Will, à demi assommé, gisait sur le sol, le bandit se releva, pestant et jurant, en débarrassant tant bien que mal son visage des haricots et de leur jus brûlant, auquel se mêlait du sang.
Il avait au moins réussi à le faire saigner du nez , se dit Will.
Le bandit se tourna alors vers lui, son arme braqué sur sa poitrine. Will ne voyait plus que l’âme du canon, ronde et noire. Non, il n’aurait pas peur. Il ne mouillerait pas son pantalon.
Plunkett arma le percuteur. Will ferma les yeux, les bras en croix, les deux mains crispées sur le sol.
Sa vie ne tenait plus qu’à un grain de sable.
Chapitre 10
Lorsque la porte se fut refermée derrière Ellen, Caroline s’y adossa, tremblante comme une feuille, épuisée. Seule, sans témoins, elle n’avait plus à se composer le visage et l’allure d’une mère courageuse et forte. En avouant la vérité, Danny Glazier l’avait anéantie.
Grands dieux, quel désastre ! Comment en était-elle arrivée à ce degré de détresse ?
Ben, son père adoptif, était prisonnier de Fanny, la mère de l’assassin de Suzanne, celui-là même qui venait d’enlever Will. Son mari, qui fourbissait ses armes dans la cuisine, refusait de lui adresser la parole.
L’image de Suzanne s’imposa alors à elle. La vieille femme lui apportait toujours la force dont elle avait besoin pour traverser les épreuves difficiles. Ni la peur ni les larmes ne l’aideraient à retrouver son fils.
Elle se redressa, prit une profonde inspiration et carra les épaules. Il fallait absolument qu’elle parle à Logan, et ce serait folie de l’affronter en
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