Le retour
avoir ta place ou celle d'une plus
jeune.
- Mais bonyeu,
j'ai mal aux jambes, moi! s'était écrié Laurette, folle de rage. Je vais être
poignée pour passer neuf heures par jour, debout, au bout de la ligne.
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- Je le sais ben,
Laurette, mais c'est tout de même moins pire que de te chercher une job
ailleurs.
Dès le premier
soir, la femme au tour de taille imposant avait eu mal aux jambes et ses chevilles
étaient enflées.
A la vue des
sourires moqueurs des amies de Madeleine Sauvé, le sang de Laurette ne fît
qu'un tour. Cette remarque sarcastique, qui s'ajoutait à la fatigue de sa
journée de travail et au harcèlement incessant du contremaître, était de trop.
Elle fit deux pas en direction de celle dont elle croyait avoir reconnu la
voix.
- Qu'est-ce que
tu viens de dire, la Sauvé? demandât-
elle sur un ton
menaçant.
Les quatre ou
cinq collègues qui l'entouraient s'écartèrent prudemment de celle qui venait
d'être interpellée.
Madeleine Sauvé
regarda derrière elle, comme si Laurette avait pu s'adresser à quelqu'un
d'autre qu'à elle.
- Regarde pas en
arrière, maudite hypocrite! C'est à toi que je parle! fit Laurette en haussant
le ton. Qu'est-ce que tu viens de me dire? ajouta-t-elle en faisant encore
quelques pas pour se rapprocher d'elle.
L'autre recula
d'un pas, le visage blafard.
- Je t'ai pas
parlé, dit-elle en essayant de retrouver son aplomb. Je parlais à mes chums de
fille.
- Si t'as quelque
chose à me dire, gêne-toi pas pour me le dire en pleine face, rétorqua
Laurette. Moi, les visages à deux faces, je peux pas sentir ça.
- Poigne pas les
nerfs, sacrament! jura Madeleine Sauvé après s'être assurée que ses copines
étaient encore de son côté. Tu sauras que j'ai des affaires ben plus
intéressantes à parler que de parler de toi.
- Prends-moi pas
pour une folle. Je suis encore capable de savoir quand quelqu'un parle dans mon
dos, la prévint-
elle. En tout
cas, si t'as envie de régler ça, je peux t'attendre dehors n'importe quand,
annonça Laurette, prête à en
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découdre. Puis je
peux te garantir que c'est pas Gendron qui va m'empêcher de te sacrer une
maudite volée.
Madeleine Sauvé
eut un ricanement méprisant et il fallut la poigne solide de Lucienne et de
Dorothée pour empêcher Laurette de lui sauter dessus.
- Fais pas la
folle, lui ordonna Dorothée. Et toi, Madeleine, fais pas exprès pour empirer
les affaires.
- Bon. Ça va
faire, trancha Lucienne sur un ton sans appel.’Tout le monde est fatigué. On
s'en va. Personne a envie de perdre SU job pour s'être battu.
La pièce se vida
rapidement. Ses deux amies s'arrangèrent pour retenir Laurette à l'intérieur de
la salle, le temps que Madeleine Sauvé soit rendue assez loin pour ne pas
risquer qu'elle se retrouve à la portée de la main de Laurette Morin.
- L'écoeurante!
dit Laurette en s'allumant une cigarette au moment où les trois femmes
s'apprêtaient à franchir la porte du bâtiment. Vous l'avez entendue? Elle m'a
appelée "la grosse Morin ", la vache!
- T'as dû mal
entendre, voulut la consoler Dorothée.
- Pantoute. Je
suis peut-être ben en chair, mais je suis pas sourde, calvaire! Si je lui mets
la main dessus à cette maudite-là, elle va faire un bout sans rire. C'est
maigre comme un madrier, mais en plus, ça a besoin de barniques.
Je suis pas
grosse pantoute. J'ai juste une couple de livres de trop.
- Ben oui,
Laurette. Ça se voit ben, la rassura Lucienne en empoignant son sac à main.
Elle lança un coup
d'oeil à Dorothée qui avait peine à réprimer un petit sourire parce qu'il était
évident que Laurette Morin pesait plus de deux cents livres.
- On est aussi
ben de s'en aller, déclara Lucienne.
Viens-t'en
Laurette. On a déjà manqué un tramway. Il faudrait pas qu'on manque le
prochain.
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- Vous devriez
déménager dans le coin, leur fit remarquer Dorothée en leur emboîtant le pas.
Venez rester sur Hochelaga comme moi. Comme ça, vous allez pouvoir venir
travailler à pied.
- T'es pas
malade, toi, dit Laurette, enfin calmée. Les loyers sont ben trop chers dans
ton coin.
- Tu pourrais au
moins te rapprocher et aller louer dans le coin de Lucienne. Sur Ontario, il y
a des loyers pas trop chers. Pas vrai, Lucienne?
- C'est vrai,
reconnut cette dernière.
Dorothée quitta
ses deux amies au coin de la rue: Ces dernières,
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