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Le retour

Le retour

Titel: Le retour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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gorgée avant de reprendre la parole.
     
    - Pouah! Je
m'habituerai jamais à boire de la liqueur chaude. On devrait avoir au moins un
frigidaire pour mettre notre lunch.
     
    - On achève de
boire de la liqueur chaude, la consola Lucienne. On est déjà à la mi-avril.
Ordinairement, après Pâques, le temps se réchauffe vite. Dans quelques jours,
il
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    va faire assez chaud
pour dîner dehors et on va avoir le temps d'aller se chercher de la liqueur au
restaurant, en face.
     
    Dorothée se leva
en disant qu'elle devait aller aux toilettes avant de reprendre le travail. Dès
que la jeune femme fut assez loin pour ne pas entendre, Lucienne se pencha vers
Laurette pour lui demander:
     
    - Et ton mari,
comment il va?
     
    Lucienne était la
seule personne chez Viau à savoir que Gérard Morin était au sanatorium
Saint-Joseph depuis trois ans. Cette veuve, mère de deux filles adultes, était
devenue, au fil des années, l'unique confidente de Laurette Morin qu'elle avait
prise sous son aile protectrice à son arrivée à la biscuiterie, au printemps
1953.
     
    - Il est toujours
pareil, chuchota Laurette. Il a l'air de se remplumer un peu, mais il a pas
l'air ben fort encore. Il y a des fois que je me dis qu'il en sortira jamais de
cette maudite place-là, se plaignit-elle.
     
    - A ta place, je
m'en ferais pas trop. Le pire est passé.
     
    Pour moi, il est
à la veille de sortir, voulut la rassurer son amie en lui adressant un sourire
chaleureux.
     
    - J'espère que
t'as raison. J'aurais ben besoin de lui à la maison.
     
    Sur ces mots,
Dorothée revint et la conversation roula sur Anna Magnani qui allait sûrement
remporter l'Oscar de la meilleure actrice de l'année et sur le film Les dix
commandements que Laurette était allée voir la semaine précédente, entraînée
presque de force par sa fille Denise.
     
    La sonnerie
indiquant la fin de la pause retentit et toutes les femmes quittèrent
précipitamment la salle en même temps pour retourner au travail. Laurette
reprit sa place au bout de la chaîne et profita du fait que le contremaître se
trouvait à l'autre extrémité de la salle pour se mettre à "jongler",
comme elle disait. Même si son travail
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    lui causait parfois
de pénibles maux de dos, elle l'aimait parce qu'elle n'avait pas à réfléchir
aux gestes à poser. Il lui permettait de penser tout à son aise. Aussitôt ses
pensées se tournèrent vers son mari.
     
    Après trois
années de sanatorium, Gérard demeurait toujours son principal souci. Quand il
avait détecté la tuberculose chez son patient, le docteur Laramée avait alors
parlé d'un séjour d'un an à Saint-Joseph pour le père de famille. Laurette
avait d'abord été terrassée par la nouvelle, incapable d'imaginer comment elle
allait s'en sortir pour nourrir les siens et payer les comptes. C'était
d'autant plus angoissant que la Dominion Rubber, l'employeur de son mari depuis
plus de vingt ans, avait carrément refusé de lui allouer la moindre aide. Pire,
elle avait reçu une lettre du directeur du personnel, quelques semaines plus
tard, dans laquelle il lui apprenait être dans l'incapacité de conserver plus
longtemps son poste de magasinier à son mari malade.
     
    Comme si cela ne
suffisait pas, sa propre famille avait pris ses distances pour éviter la
contamination. La peur de la tuberculose était tellement forte que Marie-Ange,
la
    femme de Bernard,
s'était contentée d'appels téléphoniques hebdomadaires pour prendre de ses
nouvelles tandis que l'épouse de son frère Armand avait carrément coupé les
ponts durant plus d'un an. C'était "pour protéger mes deux filles ",
avait-elle dit. Seuls ses frères avaient continué à venir la voir en cachette
de leur femme pour lui accorder un soutien moral dont elle avait grand besoin.
En tout cas, même si elle s'efforçait de faire bonne figure à Pauline et
Marie-Ange, elle n'était pas prête à leur pardonner ce qu'elle considérait
comme un lâche abandon.
     
    Par ailleurs, il
fallait cependant reconnaître que les Morin s'étaient conduits beaucoup mieux
que les Brûlé dans les circonstances. Rosaire et Colombe n'avaient jamais
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    cessé de lui
offrir leur soutien. De plus, un dimanche sur deux, ils rendaient visite à
Gérard au sanatorium en compagnie de la mère de son mari. Mais, Laurette
s'était fait un point d'honneur de refuser toute forme d'assistance financière,
même si elle en aurait eu grand besoin. Elle en avait fait une question

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