Le retour
retrouvait
devant rien. Il avait tout perdu bêtement. A compter du lendemain, il allait
être obligé de faire comme Jean-Louis et se mettre à chercher du travail.
Combien de temps
allait-il être obligé de frapper à toutes les portes pour en trouver un? Il
avait encore trop frais à la mémoire toutes les démarches qu'il avait dû faire
pour en dénicher un.
- Maudit
niaiseux! dit-il à mi-voix au moment de tourner sur la rue Emmett. Plus de job
en plein hiver!
Comment tu vas
faire pour payer les comptes, à cette heure?
Il aurait voulu
aller se cacher quelque part pour pleurer sur son sort, mais la neige tombait
de plus en plus dru et il n'avait aucune place où aller. Arrivé devant sa
porte, il fut bien obligé de l'ouvrir pour entrer chez lui.
- Qui est-ce qui
entre? fît la voix de Laurette provenant de la cuisine.
- C'est moi,
répondit-il.
Si tôt dans la
soirée, le téléviseur était éteint pour permettre à Gilles et à Carole
d'effectuer leurs travaux scolaires en paix, sur la table de cuisine. Richard,
Jean-
Louis et Denise
s'étaient apparemment réfugiés dans leur chambre, attendant probablement que leur
mère décide d'allumer le téléviseur.
- Qu'est-ce qui
se passe? demanda Laurette en venant le rejoindre dans le couloir pendant qu'il
retirait son manteau couvert de neige.
Gérard tarda
durant quelques secondes à lui répondre.
Sa femme devina brusquement
ce qui lui arrivait.
- C'est pas vrai!
s'exclama-t-elle. Viens pas me dire que t'as perdu ta job!
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- Ben oui,
reconnut-il, la voix éteinte.
- Pourquoi?
- Le boss avait
un neveu qui se cherchait de l'ouvrage et il a décidé de lui donner ma job,
mentit-il, lui servant l'histoire qu'il avait préparée durant son trajet en
tramway.
- Ah ben! C'est
ben écoeurant, une affaire comme ça!
s'emporta
Laurette, les deux mains plantées sur les hanches. Il a pas le droit de faire
ça à un père de famille.
- Parle donc pas
pour rien dire, fît son mari d'une voix lasse. Tu devrais savoir qu'un boss a
le droit de tout faire.
- J'espère que tu
t'es défendu au moins.
- Ben oui, mais
ça a servi à rien, mentit encore une fois Gérard en se dirigeant vers la
cuisine.
Laurette arborait
maintenant une mine plus catastrophée que son mari.
- As-tu soupe, au
moins?
- J'ai pas faim,
répondit Gérard en déposant le sac brun contenant son goûter sur la table.
- Mange pareil,
lui ordonna sa femme en sortant les sandwichs enveloppés dans du papier
sulfurisé. C'est pas en te rendant malade que tu vas arranger les affaires.
Pendant que
Gérard mangeait sans grand appétit ses sandwichs, ses enfants étaient venus
prendre place à table. Ils attendaient, sans rien dire, ce que leur père allait
déclarer après s'être restauré.
Laurette, assise
un peu à l'écart dans sa chaise berçante, fixait la fenêtre de la cuisine sans
rien voir. Angoissée, elle tentait d'imaginer comment sa famille allait bien
pouvoir survivre à l'hiver rigoureux qui venait à peine de commencer.
- Énervez-vous
pas pour rien, ordonna Gérard aux siens en réalisant l'inquiétude qui semblait
s'être emparée de chacun. On va s'en sortir.
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- C'est sûr qu'on
va finir par s'en sortir, reprit Laurette, mais sa voix manquait singulièrement
de conviction.
A l'extérieur, le
vent sembla soudain redoubler de force et vint plaquer de gros flocons de neige
contre l'unique fenêtre de la cuisine.
A suivre!
Fin de, Chère
Laurette, Tome 3, Le retour.
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