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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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jeunesse ! Sottises des tems comme le disait sans ambages un livret indiscret qui circulait sous le manteau et qui ne lui faisait pas la part belle encore qu’il restât allusif.
    Qu’avait-il été se fourvoyer en compagnie des libertins les plus notoires de Paris ? Il y avait dans la compagnie qu’il avait fréquentée autour du lit de la Vestris des gens qu’il estimait, comme son beau-frère et ami d’Etiolles qui se consolait dans des amours tumultueuses de n’avoir pas gardé la tendresse d’une épousequ’il adulait. Il y avait aussi quelques innocents amoureux, trop riches pour que Teresina ne s’intéresse pas à eux, trop béjaunes pour ne pas tomber tout cuits dans le panneau. Ceux-là passaient. Mais le plus gros de la troupe, qui s’agitait dans le marécage généré par le commerce de la Vestris dans sa maison de la rue Neuve-des-Petits-Champs, avait une réputation des plus glauques et des plus sulfureuses, à l’image de monsieur de Curis qui se flattait de toujours se procurer « les coquines les plus chères ». Avec la Vestris il avait gagné. Abel n’était pas très fier d’avoir navigué un temps dans les mêmes eaux que ces libertins avertis. Jeanne sur le fond n’avait pas vraiment tort.

    Mais comment demeurer à Paris, avoir vingt-cinq ans, des revenus confortables et un bel appétit de vivre sans trouver un jour sur son chemin une Thérèse Vestris ? Abel s’était vite trouvé dans un souper fin dont elle était l’attraction. C’était à son retour d’Italie, et là il fallait aborder, et c’était difficile ! Une charge astreignante, des soucis à chaque heure du jour, une nostalgie malaisée à dissiper, des amis dispersés. Cochin, comme lui, réapprenait Paris, Soufflot était à Lyon. Le Blanc ? Avait-il jamais existé ? Après des journées aussi harassantes que compliquées Abel avait une furieuse envie de s’amuser. Thérèse Vestris, danseuse à l’Opéra, n’était pas vraiment belle. Son visage, sans en être le moins du monde défiguré, était resté légèrement marqué par la petite vérole, mais son teint était d’un blanc parfait, ses yeux sombres étaient fascinants, ses cheveux d’un châtain très clair auréolaient d’or son visage. Elle jouaità merveille d’un charme dont elle n’avait jamais douté, et savait imprimer à sa danse une sensualité éloquente. Tout Paris courait. Elle y comptait bien.

    L’histoire des Vestris n’était un mystère pour personne à Paris. Une mère, deux sœurs, trois frères. Tous exilés d’Italie, puis d’Autriche par les « commissaires de la chasteté », dûment commandités par l’impératrice. À Vienne les demoiselles faisaient vivre la famille en vendant très cher leurs appas aux messieurs les plus haut placés. À leur arrivée à Paris, elles avaient déjà du métier. Elles avaient aussi un métier. Violante, la sœur aînée, avait une superbe voix de soprano, Thérèse dansait, comme ses frères Gaétan et Angiolo. Tout cela avait d’abord beaucoup amusé Abel, puis la tentation l’avait emporté. Thérèse se cachait à peine d’avoir plusieurs amants au même temps. Tout au plus avait-elle quelques égards pour « le monsieur » du moment, celui qui assurait les frais de la maison. Aux soupers de la belle Vandières côtoyait, en plus d’Etiolles, une compagnie qu’on aurait pu qualifier de bon ton, monsieur de Saint Florentin, monsieur Bégon receveur des Fermes de Montauban, le marquis de Montmorin, le marquis de Souvré, et cela n’était qu’un aperçu. On y voyait aussi le chanteur Jéliotte dont la voix de haute-contre était si belle « qu’on aurait dit que certains sons sortaient d’une cloche d’argent » . Jéliotte était pauvre, mais la dame savait faire des cadeaux pour peu que la jubilation fut au rendez-vous.
    Bientôt certains habitués s’étaient retrouvés à souper chez le Directeur des Bâtiments. Il y eut quelquesfausses notes. Le 1 er  octobre 1753, les deux demoiselles Vestris étaient là en compagnie de monsieur Bégon, et de monsieur de Curis, attachés l’un et l’autre à Thérèse, il y avait encore le marquis de Livry avec la demoiselle de Launay avec qui il était alors en ménage. Les deux derniers nommés ayant abusé des vins en vinrent à régler leurs comptes en se lançant le fromage glacé au visage. Abel avait d’autant moins apprécié l’esclandre que le bruit en avait couru tout Paris. Il était parfaitement

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