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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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du Cours de la Reine. Quand on arpentait la place du Pont tournant comme le faisait Vandières en cet instant les conséquences logiques s’imposaient. La conclusion était maintenant claire. La place, ouverte sur trois côtés, devait préserver et magnifier la belle continuité qui existait déjà entre les Tuileries et les Champs-Élysées. Le temps des places étroitement enfermées dans des constructions appartenait au passé. On irait plus loin avec la place Louis-XV en l’insérant dans un espace naturel à la fois plus vaste et plus exigeant. Vandières pouvait rédiger son rapport puis le soutenir devant le roi. Dans ses conclusions il n’oublierait pas l’objetpremier, prétexte de toutes les recherches. La statue équestre devait être placée « dignement et convenablement  ». Les détails s’articulaient logiquement, les rues qui aboutissaient à la nouvelle place ne pouvaient être négligées. L’ensemble devait être parfait. Il faudrait donc redresser la rue de la Bonne Morue pour qu’elle tombe en ligne droite sur la place . Il n’était pas davantage question de négliger le superbe espace boisé sur quoi la place débouchait, on replanterait donc à neuf les Champs-Élysées, on aménagerait une allée en leur centre dans l’exact prolongement de la nouvelle place et on la prolongerait jusqu’au village de Neuilly.
    La conclusion du rapport au roi ne manquait pas de hauteur.
    « Voilà je crois la grande question décidée. Tel est mon sentiment que je soumets humblement à la décision de Sa Majesté. Il en est d’autant plus impartial et mon zèle d’autant plus désintéressé que si mon plan est accepté la conduite de cet ouvrage ne me regardera point et s’exécutera sous la direction de la ville. »
    L’affaire était entendue, à Gabriel de jouer… dans le cadre défini par Vandières.

L’année 1754 avait commencé sans bouleversement et sans surprises pour Abel. Les jours se ressemblaient, ils se succédaient à un train d’enfer. Pouvait-on parler de routine dans la charge qu’il exerçait ? Chaque jour était pareil au précédent avec son lot de demandes, de réclamations, de protestations, et différent souvent parce qu’un problème majeur pouvait brutalement prendre le pas sur les tâches en cours. Les grands projets allaient leur train, Gabriel travaillait à la synthèse des travaux du concours, et c’était dans le cadre défini par le Directeur des Bâtiments. Sans doute rongeait-il son frein mais sans inquiétude sur le fond. Il était assez malin et surtout assez attaché à la gloire de son propre nom qu’il savait parfaitement cultiver pour comprendre que le projet lui serait entièrement attribué. Le pire eût été pour lui que ce fût le projet de cet architecte lyonnais si bien en cour qui fût retenu. Par chance Vandières était scrupuleux à l’extrême, et Gabriel n’était pas éloigné de penser qu’un jour son honnêteté le perdrait. Cette perspective ne pouvait que le combler d’aise. Avait-on vraiment besoin d’un parvenu de cette sorte dans les Bâtiments ?

    Pour ce qui était de l’année en cours le quotidien du Directeur des Bâtiments se nourrissait d’abord destracas jamais résolus, ceux des appartements de Versailles, ceux des logements des artistes au Louvre, ceux tout aussi aigus de leur subsistance, et l’irrépressible désordre des logements de Versailles où rien ne pouvait jamais être résolu sans qu’un nouvel embarras surgisse. Il lui restait peu de temps pour d’autres préoccupations, mais il libérait souvent ses soirées pour les consacrer à ses amis, aux femmes parfois. D’Argenson, toujours bien informé de ce qui l’intéressait, ne manquait pas d’en faire son rapport au roi qui s’en amusait fort en racontant à Jeanne les fredaines du petit frère et Jeanne ne se privait pas de tancer sérieusement le jeune homme qu’à ses yeux il était encore.

    — On me dit que vous vous ruinez à entretenir une des demoiselles Vestris. Votre conduite me choque, elle dépare l’image du Directeur des Bâtiments.
    La remarque amusa Abel.
    — Thérèse Vestris est charmante et fort belle.
    — Et fort infidèle !
    — Qui lui a donc demandé d’être sage ?
    — Si vous ne l’aviez pas fait, vous l’auriez dû. Vous payez le train de sa maison de la rue Neuve-des-Petits-Champs, vous lui offrez de l’argenterie, vous…
    — Vous êtes bien renseignée !
    — La police du roi est

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