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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Monique Demagny
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Cela ne lui ressemblait pas
    — Une requête ?
    — Le roi pourrait-il m’accorder une pension ? Un bénéfice ? Oh ! quelque chose sans grande conséquence…
    — En avez-vous besoin, Cochin ?
    — Non ! Pas le moins du monde !
    Cochin perdait la tête. Où voulait-il en venir ?
    — Je le verserais à madame Deshays sans en garder le moindre denier et personne n’en saurait rien.
    — Cochin !
    Le ton était à la fois scandalisé et amusé.
    — Vous voudriez que je vous obtienne une pension en sachant pertinemment que vous n’en avez aucun besoin et que vous la remettriez frauduleusement à une tierce personne ? Dans quelle machination voulez-nous m’entraîner ? Vous voudriez me voir mentir au roi ? L’affaire est en tous points malhonnête ! C’est, non, Cochin, catégoriquement non !
    Cochin se demandait bien ce qu’il pouvait encore ajouter, ou imaginer. Penaud, il murmura encore :
    — Madame Deshays…
    — Et quoi, madame Deshays ? Je vais demander au roi un secours pour madame Deshays, et cela n’aura rien à voir avec l’attribution des ateliers ni les pensions réparties parmi les artistes. On ne peut pas tout mélanger, Cochin !
    Cochin réprima difficilement un soupir de soulagement. La veuve de Deshays serait secourue. En avait-il douté ? Non ! Il connaissait son Marigny par cœur. La statue du commandeur essayait toujours de dissimuler la vulnérabilité de l’homme.

Cahin-caha les mois avaient passé, dévorés par le quotidien. Marigny s’y était noyé en toute conscience, il s’y était perdu, il s’y était oublié, et finalement las d’un quotidien sans surprise il se prenait à ressentir la nostalgie des grands travaux. Versailles se réparait par menus morceaux, le plus souvent dans l’urgence et ce n’était pas très exaltant. Mais où en était Paris ? Au mieux ! Les grands projets étaient enfin lancés.

    Le 3 septembre de l’année 1764, le roi posait la première pierre de l’église Sainte-Geneviève. Le spectacle était grandiose. Le roi lui-même se pencha vers Marigny et commenta.
    — Magnifique !
    On n’avait pas lésiné sur la mise en scène. La nouvelle église Sainte-Geneviève serait la plus belle et la plus imposante construction du règne, dès la première pierre il fallait qu’on le sache. Ce type de cérémonie ne valait en principe que par sa portée symbolique. Le roi en personne présidant à la cérémonie lui conférait son importance. On s’engageait dans une construction d’envergure et chacun allait pouvoir en rêver, on en parlait déjà beaucoup. Tout Paris connaissait maintenant au moins le nom de l’architecte, certains supputaient l’allure générale du nouveau bâtiment et bien sûrles avis divergeaient, on était en pleine effervescence. Pourtant Marigny, Soufflot, et beaucoup de ceux qui gravitaient peu ou prou dans la sphère des Bâtiments avaient maintes fois vu retomber l’enthousiasme du public pour un projet favorablement accueilli. Pour peu que la mise en route d’un édifice fût un peu lente on perdait vite le souvenir de ses débuts en fanfare, on en arrivait parfois à douter que cette fameuse première pierre soit vraiment suivie d’autres. Cette fois tout était différent, aucun des invités à la cérémonie du 6 septembre 1764 n’oublierait l’église Sainte-Geneviève, pas plus que les badauds qui se pressaient sur les lieux.
    C’est que Sainte-Geneviève s’offrait déjà à leurs regards, ou tout au moins son portail, exactement tel qu’il serait élevé. Il se dressait là devant eux sur une toile peinte tendue sur un châssis de bois. C’était à vous couper le souffle ! Si la ville avait un peu manqué l’inauguration de la place Louis-XV, les Bâtiments avaient réussi une étonnante mise en scène pour la première pierre de Sainte-Geneviève. La toile préfigurait dans les moindres détails la façade qu’on allait élever à l’endroit précis où sa représentation était érigée. Devant les yeux émerveillés et incrédules de tous ceux qui assistaient à l’événement un portique de temple antique s’élève, plus grand et de beaucoup que ceux qu’on avait pu voir déjà en Europe. Des colonnes corinthiennes s’élevaient au premier plan avec une sveltesse éblouissante. On montrait enfin du nouveau, et c’était beau. Le peuple de Paris pouvait défiler devant le magnifique trompe-l’œil réalisé par Pierre-Antoine Demachy et anticiper le

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