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Le rire de la baleine

Le rire de la baleine

Titel: Le rire de la baleine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Taoufik Ben Brik
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relations, toujours dans les milieux d’extrême gauche, comme le Parti socialiste des travailleurs de Salhi Chawki, le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune et des syndicalistes. Rafik El Khalfaoui, un exilé tunisien, trotskiste, sera son agent de liaison à Alger. Ensemble, ils avaient fui la répression vers l’Algérie après le procès des trotskistes, fin 1991, quand vingt-quatre militants de l’Organisation communiste révolutionnaire, leur groupuscule, avaient été arrêtés et torturés. Les survivants de ce procès sont aujourd’hui méconnaissables, broyés, pourchassés. Encore sous haute surveillance, ils doivent régulièrement pointer dans les commissariats de leurs villages où ils ont été quasiment bannis. Depuis, Rafik est toléré par la police algérienne qui le tient toutefois à l’œil. Il sera d’ailleurs enlevé devant la Maison de la presse et porté disparu pendant une semaine après avoir été de toutes les manifestations de soutien à mon ramadan qui se dérouleront à Alger. Les services de sécurité le cuisineront pour en savoir plus sur l’« affaire Ben Brik ».
    C’est ce réseau, dans lequel on retrouve quelques journalistes, qui poussera le Syndicat national des journalistes à appeler, le 18 avril, à un rassemblement public à la Maison de la presse à Alger. Des partis comme le FFS, le PT, des députés, des avocats militants des droits de l’homme, des représentants des familles victimes du terrorisme, des mères de disparus, des syndicalistes indépendants, des membres du Conseil national économique et social monteront au front. Le même jour, le « Comité de soutien à Taoufik Ben Brik » allait naître. Puis les grands journaux privés,
El Watan
d’Omar Belhouchet,
Le Matin
de Mohammed Benchicou,
El Khabar
d’Ali Djerri,
Le Quotidien d’Oran
d’Abdou Benabbou, et même, au début, le journal gouvernemental
El Moudjahid,
vont suivre au jour le jour et à la « une » cette grève qui deviendra populaire jusqu’à l’intérieur de ce pays. Sans tarder, je demande à Najet de tout laisser tomber en Suisse et de se rendre en Algérie pour, encore une fois, être mon messager.
    L’Algérie, ce pays goinfre, seize fois plus grand que la Tunisie, ce puissant voisin qui laisse toujours planer la menace de nous engloutir, a toujours pesé sur les décisions des régimes tunisiens. La mobilisation algérienne est pour moi l’équivalent de l’entrée des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale. J’ai réveillé la menace. À Alger, Najet est en terrain ami, conquis. Le front algérien, en dépit de ses divergences, va s’avérer d’une extrême solidité. Il fonctionne tout seul. Les éditos bombardent Ben Ali comme les canons de Navarrone, les comités de soutien se forment à l’intérieur du pays. Là-bas, elle s’appuie sur le réseau de Jalel, Yacine Temlali, El Kadi Ihsène, d’anciens trotskistes devenus journalistes, sur des plumes indépendantes comme Daïldha Dridi, Baya Gacemi. La sœur de « Taoufik la grève » est interpellée dans les rues, jamais elle ne paiera ses consommations. Ma grève de la faim, dans ce pays de sables mouvants qui t’engloutit dans ses débats trempés de sang, résonne de manière particulière.
    Je suis journaliste, ce métier toujours en débat entre procès, assassinats, lâchetés et courage. « Le pouvoir de Ben Ali est encore plus gêné par notre action que par celle de la presse française, déclarera plus tard Baya Gacemi à Tunis. Pour une fois, il ne peut plus tenir le discours classique qu’on entend depuis toujours dans le monde arabe, à savoir : “Vous cherchez à imiter l’Occident et sa prétendue défense des droits de l’homme.” Aujourd’hui, c’est un pays arabe, avec infiniment plus de difficultés que la Tunisie, qui vient lui rappeler que la question des libertés n’est pas réservée à quelques-uns, qu’elle est universelle  1  » À Tunis, ma grève est devenue La Mecque où l’on vient en pèlerinage. Je suis devenu l’enfant gâté, le morveux de ces centaines de personnes. La maison des Mestiri se transforme en centre de presse, en stand de diffusion et d’exposition de toutes les coupures de la presse internationale et de tous les communiqués dont nous disposons.
    La police de Ben Ali a compris que notre seule arme était la communication, elle va lui faire une chasse impitoyable. Mes sept frères et sœurs auront leurs lignes de téléphone

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