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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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avaient été mis en réserve pour leur être comptés au même instant. Ses jambes, qui lui avaient obéi sans rechigner devant les remparts, eussent à présent refusé de le porter sur plus d'une toise. S'étant endormi presque instantanément, il connut un sommeil profond, dépourvu de rêves – donc de cauchemars –, pour la première fois depuis deux semaines. Lorsqu'il en sortit, il avait l'esprit en repos mais le corps douloureux : amaigri, manquant d'exercice, il payait d'atroces courbatures l'agitation de la veille, et il dut se faire violence pour quitter sa couche. Encore plus pour enfiler son haubert, un nouvel assaut étant prévu ce jour-là.
    Une légère contrariété le surprit après le déjeuner : Richard, tout juste convalescent, trop faible pour marcher, avait décidé de participer au combat. Sentant l'issue proche, il voulait à tout prix y être associé. Son apparition devant Acre, assis sur une litière, protégé par un mantelet derrière lequel il décochait des carreaux d'arbalète vers les créneaux, déclencha un tel enthousiasme chez les Croisés que le ressentiment de Philippe s'évanouit. Le Plantagenêt se montrait souvent détestable mais en certaines occasions, on ne pouvait se retenir de l'admirer. Dans son état, quoique plusieurs écuyers se tinssent prêts à le déplacer en cas de danger, il constituait une cible rêvée pour pierrières et balistes. Le roi de France, invalide, eût estimé son influence sur la bataille trop insignifiante pour justifier un tel risque. Il se fût trompé : ce n'étaient certes pas les carreaux que lançait Richard, lentement, sans grande précision, qui faisaient la moindre différence ; sa simple présence, en revanche, produisait un effet colossal. Il était au milieu des siens, alors qu'il eût pu demeurer au camp sans faillir à l'honneur. Tous savaient qu'il eût agi de même avec les deux jambes coupées, que s'il avait perdu un bras, il eût manié l'épée de l'autre. Nantis d'un pareil chef, les chevaliers ne pouvaient que chercher à se dépasser, y compris ceux qui ne l'aimaient guère en temps normal.
    Fut-ce cette exaltation neuve, qui animait jusqu'au plus humble des Croisés ? Fut-ce que le martèlement régulier de la Malevoisine avait enfin ébranlé l'épaisse muraille ?
    Toujours est-il qu'après des coups de bélier répétés, tout un pan de la Tour Maudite s'effondra dans un fracas épouvantable. Le bélier et deux de ses servants furent ensevelis sous les décombres, mais une exclamation victorieuse s'éleva néanmoins dans les rangs chrétiens. Après des mois de siège, ils venaient enfin de s'ouvrir un passage dans cette ville qu'ils étaient bien près de considérer comme imprenable !
    — Une échelle, vite ! ordonna le maréchal Aubri Clément qui, oubliant toute prudence, se ruait vers la brèche alors que la poussière de l'éboulement n'était pas encore retombée.
    Le pan de mur effondré avait dévoilé les entrailles de la tour depuis le sol jusqu'à vingt pieds de hauteur, sur une largeur variant entre cinq et dix pieds. Cette saignée permettait de découvrir en partie deux grandes pièces circulaires – celle du bas trop encombrée de débris, hélas, pour qu'on espérât s'y introduire, sans parler de s'y battre.
    Des soldats apportaient au pas de course l'échelle demandée. Aubri l'appuya lui-même contre le plafond déchiqueté séparant les deux salles, tandis que se pressaient derrière lui une bonne dizaine de chevaliers, dont le comte de Clermont qui monta les premiers échelons juste sur ses talons.
    — Au nom du Christ ! s'exclama le maréchal en tirant son épée. La victoire ou la mort !
    Ce fut la mort, pour lui et pour tous ceux qui le suivaient. Ils échappèrent aux projectiles des défenseurs postés derrière les créneaux, lesquels ne pouvaient se découvrir sans être pris pour cibles par des centaines d'archers. Le désastre se produisit quand ils s'engagèrent à l'intérieur de la tour. La pièce dans laquelle ils arrivaient communiquait par des escaliers avec la cour intérieure et avec le chemin de ronde : anticipant l'action impulsive des Croisés, des Mamelouks s'y étaient massés dans l'ombre – et il en arrivait encore. Les cordes de leurs arbalètes se détendirent dès qu'Aubri leur apparut. Le maréchal avait baissé son écu pour retrouver l'équilibre après avoir quitté l'échelle : deux carreaux s'enfoncèrent dans sa poitrine, un autre dans sa

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