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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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s'étaient aussi présentés bien moins nombreux qu'on ne l'avait craint. Saladin faisait à ses dépens l'expérience d'un système féodal ayant bien souvent occasionné des revers à ses royaux adversaires, en Europe : ses émirs lui avaient consacré les jours de service militaire qu'ils lui devaient ; à présent, ils s'en retournaient chez eux avec leurs troupes, si bien que le sultan ne disposait plus de moyens suffisants pour s'opposer aux Croisés.
    À partir de là, ce ne fut plus qu'une question de jours. Il y eut encore des assauts contre la muraille, certains repoussés de justesse, mais aucun ne fut très meurtrier : Richard mettait à prix d'or chacune des pierres de la Tour Maudite, ce qui décuplait l'ardeur des Francs, et le cœur des défenseurs n'y était plus. À l'insu de Saladin, ils négociaient leur reddition par l'intermédiaire de Conrad de Montferrat.
    Le douzième jour du mois, ce même Conrad pénétra le premier dans Acre, en vainqueur, porteur de bannières qu'il alla symboliquement planter sur les remparts. Du haut de ses collines, impuissant, le sultan ne put qu'assister à cette défaite qui en annonçait d'autres. Le Christianisme venait de porter un coup dont l'Islam mettrait longtemps à se relever. Du moins était-ce la conviction de Chrétiens persuadés de voler sans encombre vers Jérusalem.
    Richard avait alors retrouvé tout son allant, contrairement à Philippe que les séquelles de la maladie affaiblissaient toujours. Superbe, le verbe haut, il se conduisit en chef suprême des Francs, distribuant des louanges et jouissant des acclamations qu'il recevait en échange. Une seule fois, sa bonne humeur fut prise en défaut ; lorsque, monté sur le chemin de ronde afin d'adresser quelques paroles aux Croisés massés dans l'enceinte, il vit la bannière de Léopold d'Autriche flotter auprès de la sienne et de celle du roi de France. Léopold qui, Gui de Lusignan n'avait pas manqué de le lui rapporter, estimait qu'un Richard Plantagenêt n'était pas indispensable à la victoire.
    — Par les dents-Dieu ! jura-t-il, furieux. Ce duc de malheur se prendrait-il pour un roi ?
    Aux yeux de tous, avant qu'on pût songer à l'en empêcher, il arracha la bannière de Léopold et la jeta dans le fossé de la ville comme il eût jeté un étendard ennemi. Les Anglais, pour la plupart, l'acclamèrent. Les Impériaux grondèrent. Les Français se tinrent cois, peu désireux de prendre parti dans une dispute qui n'était pas leur.
    Le duc d'Autriche, quoiqu'humilié, eut la sagesse de ne pas envenimer les choses à un moment où l'unité était primordiale. Il se contenta de déclarer à ses proches que Richard lui paierait très cher cette insulte. De cet homme à l'âpre caractère, on savait qu'il parlait rarement en vain. Le roi d'Angleterre s'était fait un ennemi mortel.
    Philippe, soucieux de se désolidariser du Plantagenêt, envoya le soir même à Léopold un message où, sans vraiment désavouer Richard, il qualifiait sa conduite d'indélicate et assurait le duc de toute sa sympathie. Voilà qui ne l'obligeait pas à mentir et pourrait se révéler utile.
    Richard s'était installé au Temple, à la pointe extrême de la péninsule, Philippe au Palais des Patriarches. Le temps où ils buvaient à la même coupe et dormaient au même lit paraissait bien loin. Malgré les mois de périls affrontés ensemble, les deux alliés de principe fêteraient la victoire séparément, chacun au milieu de sa coterie.
    Philippe, avant de gagner la grand-salle du festin, se reposait un instant, seul dans la chambre qu'il s'était attribuée. La chute de la ville, en réduisant d'un coup sa tension nerveuse, le laissait comme vidé, avec une seule idée en tête : rentrer en France. Maladie ou non, ce climat finirait par lui être fatal. En outre, un message de sa mère venait de lui apprendre que le petit Louis était tombé malade, lui aussi, et gravement. À l'heure qu'il était, peut-être était-il guéri, ou mort, comment le savoir ?
    L'impulsion donnée, on n'avait plus vraiment besoin de lui ici, se répétait Philippe, alors que sa présence faisait défaut en d'autres lieux ; chaque instant l'en trouvait davantage convaincu. Il savait toutefois que la plupart des chevaliers, y compris parmi ses intimes, ne comprendraient pas ses raisons et l'accuseraient de lâcheté, dans leur cœur sinon à voix haute.
    Il se demandait de quelle manière leur présenter la chose quand

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