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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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l'assurance qu'il appelait de ses prières leur rétablissement. Philippe refusa d'y toucher, surtout lorsqu'on lui eut appris que Richard avait dévoré les siennes sans en ressentir le moindre désagrément. Peut-être ces deux là s'entendaient-ils pour fomenter sa perte ! Aubri Clément eut beau lui proposer de goûter les fruits devant lui, il ordonna qu'on les jetât. Aubri, ne pouvant s'y résoudre, les partagea avec Raoul de Clermont. Tristesse et inquiétude les empêchèrent d'en apprécier toute la saveur mais ils les trouvèrent cependant fort bons.
    Lorsqu'il parvenait à maîtriser son angoisse, le roi priait et, sachant que le ciel aide ceux qui s'aident eux-mêmes, tentait toujours d'user de son pouvoir contre le mal qui le rongeait. Peut-être y parvenait-il. Peut-être son état eût-il été encore plus grave sans ces interventions périodiques. Il fût peut-être déjà mort.
    Une semaine après le début de sa maladie, on l'estima assez fort moralement pour entendre la nouvelle qui bouleversait le camp depuis la veille : à la suite d'une dispute violente, Geoffroi de Lusignan avait accusé de trahison et défié en combat singulier Conrad de Montferrat. Le marquis, gardant la tête froide mais indigné, avait méprisé la provocation et abandonné le siège : il était reparti pour Tyr en compagnie de tous ses chevaliers, ce qui privait les Croisés d'une force importante.
    — La peste soit des Lusignan ! commenta Philippe, furieux.
    Il fit appeler un clerc auquel il dicta une lettre adressée à Montferrat. Choisissant ses mots avec soin, flattant sans paraître flagorneur, assommant Geoffroi et Gui en feignant de leur trouver des excuses, il conjura son correspondant de se montrer « comme toujours » plus intelligent que ses rivaux et de ne pas mettre en péril la cause du Christ pour une querelle personnelle, laquelle se réglerait au bout du compte à son avantage. Le roi de France estimait tant les qualités du marquis de Montferrat que, si ce dernier consentait à revenir, il l'admettrait à son conseil privé et se déclarerait publiquement son protecteur.
    Philippe, que la concentration nécessaire à formuler l'épître avait épuisé, retomba sur ses oreillers en frottant avec vigueur un cuir chevelu que les démangeaisons n'épargnaient pas plus que le reste de sa personne.
    — Prenez une bonne escorte et portez cette lettre vous-même, maréchal, ordonna-t-il à Aubri Clément. Je tiens à ce qu'elle parvienne au plus vite à son destinataire.
    Puis il poussa un cri d'horreur : à ses doigts, qu'il venait de baisser, s'accrochaient de véritables poignées de cheveux roux. Il ne les avait pas même sentis s'arracher. Portant à nouveau les mains à la tête, il en ramena d'autres, gras, emmêlés, comme si quelque barbier invisible lui eût tailladé la chevelure à grands coups de rasoir.
    Cette fois, il allait mourir, c'était une certitude. Son corps le trahissait. Il était pourri à l'intérieur. Le poison et la maladie avaient gagné.
    On tenta de le rassurer en lui disant que Richard aussi avait perdu ses cheveux – quoique de manière moins spectaculaire – et qu'il était toujours en vie. On y parvint presque. Jusqu'à ce que le jour suivant, au moment où la fièvre revenait en force, il ne commençât à perdre également ses ongles. Cela, Richard ne l'avait pas subi, et Philippe en fut si terrifié qu'un temps, il retomba dans le délire. Il se voyait tel un arbre à l'automne, mais un arbre auquel l'hiver serait fatal et dont les restes débités seraient brûlés par des envieux qui n'en étaient pas dignes.
    Des jours durant, il n'eut que des périodes de lucidité très brèves, interrompues au moindre regard trop prolongé à son corps : tous ses ongles étaient tombés et son épaisse chevelure indisciplinée se trouvait réduite à quelques touffes éparses, clairsemées. Comme si cela ne suffisait pas, une taie s'était formée sur son œil droit, lui en ôtant l'usage. Il s'était en outre mis à peler, surtout des jambes, une desquamation qui l'effrayait peut-être encore plus que tout le reste. À présent, chaque fois qu'il s'endormait, il avait la conviction de ne jamais se réveiller.
    Il était ainsi au plus bas depuis trois jours, et une partie des médecins l'avait condamné en constatant par ses selles un début d'hémorragie intestinale, quand la fièvre tomba aussi abruptement qu'elle avait monté, en même temps que disparaissaient

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