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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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ignorait qui avait commandité le meurtre. L'absence de preuve n'empêchait pas un nom de courir sur toutes les lèvres : Richard Plantagenêt.
    Dans une lettre à Philippe où il annonçait en outre son retour prochain, l'évêque de Beauvais expliquait toute l'affaire.
    Décidément incapables d'accepter un nouveau règne de Gui de Lusignan, les nobles d'Orient avaient cassé leur jugement premier et donné la couronne à Montferrat sans qu'il lui fût besoin d'attendre la mort de son rival. Richard, qui songeait lui aussi au retour, n'avait pu que s'incliner devant cette décision. Moins d'un mois plus tard, alors qu'il venait de passer la soirée chez l'évêque lui-même, le nouveau roi avait été poignardé en pleine rue.
    C'était là un rude coup porté aux Francs de Jérusalem. On avait trouvé un remplaçant au marquis, en la personne du jeune Henri de Champagne, auquel on avait fait épouser en toute hâte l'héritière du trône, bien qu'elle fût enceinte de son époux défunt. Vaillant et réfléchi, Henri serait sans doute un bon roi, mais il n'aurait jamais l'audace et la volonté d'un Montferrat.
    Le Plantagenêt était-il coupable ? Philippe avait peine à le croire, quoique son cousin s'en déclarât convaincu. Il était de toute façon trop occupé avec son propre royaume pour s'en préoccuper vraiment.
    Puisqu'aucune guerre ne se profilait, il s'attelait au gigantesque projet dont il avait posé la première pierre juste avant son départ en créant les baillis : la réorganisation de l'administration, l'assainissement des finances, bref, la mise en place d'un contrôle effectif du gouvernement sur tout le domaine royal.
    Fidèle à la ligne de conduite qu'il s'était fixée, il réunissait autour de lui un nouveau groupe de conseillers d'origine modeste, au premier rang desquels il conservait le vieux chambellan Gautier, ainsi que deux de ses fils. À nombre de simples chevaliers ou clercs, chez lesquels il discernait des qualités, il confiait des missions pour les mettre à l'épreuve, les conservant auprès de lui ou les remplaçant par d'autres en fonction de leurs résultats. Guillaume de Garlande, qui avait sagement assisté les régents durant l'absence du roi, se vit ainsi confirmer la faveur dont il jouissait. D'autres hommes, pour la plupart rencontrés outre-mer, furent appelés dans l'entourage royal, tels Guillaume des Barres et un jeune Picard ayant naguère appartenu à la maison de Thibaut de Blois : Barthélémy de Roye, médiocre combattant mais esprit politique avisé. La gestion du trésor fut confiée au frère Aymard, un habile financier de l'Ordre du Temple, tandis que les questions religieuses demeuraient l'affaire du frère Bernard de Vincennes et de l'archevêque de Reims.
    Ce dernier restait donc l'unique grand seigneur associé au gouvernement. Depuis des années, on se passait de chancelier ; le comte de Blois, dernier sénéchal, n'avait pas été remplacé ; le poste de connétable était à présent dévolu à l'effacé Dreux de Mello, dont le conseil ne serait requis que pour les questions militaires ; quant à la reine mère, frustrée d'avoir eu les mains liées durant sa régence et opposée aux réformes qu'envisageait son fils, elle se vit mise à l'écart sans ménagement. Guillaume aux Blanches Mains, lui, fit contre mauvaise fortune bon cœur : il conserva sa place, ce dont Philippe se réjouit car il avait encore besoin du madré prélat.
    Au milieu de tous ces bouleversements, la mort du marquis de Montferrat, quel qu'en fût le responsable, se trouva donc considérée comme un incident regrettable mais dont on n'avait guère le temps de se préoccuper.
    Quelques mois plus tard elle devait prendre un sens nouveau, prélude à l'une des plus grandes terreurs de Philippe.
    Il venait d'arriver en sa résidence de Pontoise, au début de l'hiver, accompagné d'une cour réduite : après toute une année de labeur quotidien, il s'octroyait quelques jours de repos, une dernière chasse avant les neiges – en compagnie d'un Renaud venu lui rendre visite avec son épouse. Ou plutôt convoqué poliment.
    Laissant les veneurs mener les superbes chiens que lui avait offerts Henri II au temps de leur amitié, Philippe demeura un peu en arrière et fit signe au comte de Boulogne de chevaucher à son côté.
    — Tu me poses un problème, avoua-t-il lorsqu'ils furent hors de portée de voix des autres chasseurs. Il ne se passe pas un mois sans que je

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