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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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tic plus puissant qu'à l'ordinaire souleva la bouche du roi.
    — Jeanne ? Avec un Infidèle ?
    — Ils auraient régné ensemble sur Jérusalem, si bien que les territoires francs seraient devenus inféodés au sultan. (Il y eut autour de l'évêque des interjections scandalisées.) Jeanne a refusé, bien entendu. Je n'ai jamais vu femme plus indignée. (Son interlocuteur se détendant un peu, il ajouta :) Mais cela n'est rien. Je t'ai raconté dans mes lettres comment Richard a fait assassiner le marquis de Montferrat…
    — Est-on bien sûr que c'est lui ? coupa Philippe. Ces méthodes ne sont guère dans son caractère.
    — Il n'existe aucune preuve, mais nul ne doute qu'il soit responsable. Et à la veille de mon départ, on disait qu'il avait de nouveau pris contact avec les Ismaéliens, pour commanditer un autre meurtre. (Il marqua une pause, fixant son cousin d'un regard intense.) À l'heure qu'il est, si Rachid al-Din Sinan, le Vieux de la Montagne, a accepté son offre, les assassins sont en route. Peut-être sont-ils déjà en France.
    — Pardonnez-moi, monseigneur, mais où voulez-vous donc en venir ? intervint Renaud, perplexe.
    Philippe, lui, n'avait pas besoin d'autre explication. Ses yeux s'écarquillèrent au point qu'un instant, même dans le gauche, on ne vit plus que du blanc. Le tic qui lui animait les lèvres s'intensifia, le dotant de son étrange rictus au rythme de ses battements de cœur.
    — Moi ? articula-t-il, sans pouvoir empêcher ses dents de claquer. C'est à moi que Richard dépêche les Ismaéliens ?
    Il avait fait de grands progrès depuis son retour de Terre Sainte : par des efforts opiniâtres, il était parvenu à juguler sa nervosité – ne plus sursauter au moindre bruit, maîtriser son expression. En quelques mots, l'évêque de Beauvais venait de réduire tout ce travail à néant.
    — Je dois m'en aller d'ici, balbutia le roi en jetant autour de lui des regards angoissés, comme si les assassins avaient pu se trouver à ce moment même dans le château.
    — Oh, seigneur, non… murmura le prélat.
    Il se précipita pour soutenir son cousin que ses jambes flageolantes semblaient en grand danger d'abandonner. Le Philippe guéri qu'il avait découvert, dont le caractère enjoué rappelait celui d'autrefois, avait disparu. C'était le Philippe d'Acre qu'il voyait à présent, celui dont la lâcheté les avait couverts de honte, lui et les autres chevaliers de France.
    — Allons ! tenta-t-il de raisonner. Rien n'est sûr. Et même si la chose est avérée, les Ismaéliens n'ont pu quitter la Terre Sainte qu'après moi : il leur faudra encore des jours, peut-être des semaines, pour arriver.
    — Et nous sommes là pour vous défendre, sire ! ajouta Renaud en portant la main à son épée. Nul assassin ne pourrait vous approcher sans s'empaler sur nos lames.
    Tous approuvèrent, jurèrent qu'aucun danger ne menaçait le roi. Ce dernier parut tout d'abord peu convaincu, puis une vague de raison l'envahit et ses traits se détendirent. Prenant une longue inspiration, il se redressa de toute sa hauteur, les poings serrés, les muscles bandés pour contenir ses tremblements.
    — Pardonnez-moi, messeigneurs, se força-t-il à déclarer, mais cette nouvelle m'emplit du plus noir effroi, je l'avoue. Les Ismaéliens, dit-on, ne manquent jamais leur cible.
    — Faux ! assura l'évêque. Un jour, ils ont tenté de tuer Saladin, et il se porte toujours à merveille.
    — Quoi qu'il en soit, je ne puis rester ici. Je serai plus en sécurité à Paris, derrière mes murailles, avec mes gardes. (Avisant un chambellan, Philippe l'interpella.) Faites donner des ordres pour que nous partions immédiatement !
    — Mais la nuit est presque tombée, sire ! s'étonna le pauvre homme.
    — Eh bien à l'aube, en ce cas. Que tous les membres de la cour préparent leurs bagages et se rendent aux écuries avant le lever du soleil. Nous monterons à cheval aux premières lueurs.
    Les chevaliers dissimulaient tant bien que mal leur inquiétude, non pas tant d'une éventuelle tentative d'assassinat contre leur roi mais de sa santé mentale. L'évêque regrettait de s'être montré aussi grandiloquent : même s'il croyait à la nouvelle qu'il portait, la réaction de son cousin lui paraissait exagérée, indigne d'un souverain. La consternation générale augmenta lorsqu'ayant fait venir le capitaine de la garnison, Philippe lui ordonna de poster toute la nuit deux

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