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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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temps. À peine a-t-elle été informée de la situation qu'elle m'a jeté dehors afin de pouvoir se déshabiller. Je ne lui ai rien demandé et je ne lui ai rien promis, surtout pas en votre nom. Cela dit, elle n'a pas agi que pour vous être agréable : je pense qu'elle aurait tout aussi bien soigné le fils d'un palefrenier. Elle est ainsi faite.
    — Étrange nature que cette femme, n'est-ce pas ? La bonté et la loyauté même, dans un monde qui ignore presque le sens de ces mots. Voilà qui est difficile à comprendre pour de vieux hommes d'État tels que nous.
    — À comprendre, non, mais à imiter, ô combien ! admit l'Hospitalier avec un sourire. (Il s'interrompit un instant, puis se jeta à l'eau.) Même si je le souhaite depuis longtemps, je n'ai jamais osé vous le conseiller directement, sire, mais il me semble qu'aujourd'hui, je le puis : vous devriez la reprendre auprès de vous.
    Voyant le roi serrer les poings, il attendit une explosion qui ne vint pas.
    — J'aimerais le pouvoir… avoua tristement Philippe. Savez-vous que malgré tout ce qui s'est passé entre nous, malgré tout le mal que j'ai pu lui souhaiter, il me semble que j'ai de la tendresse pour elle, comme pour une vieille amie. Et puis… à vous, je peux parler sans détour : elle m'échauffe les sangs aussi ardemment que si j'étais un jouvenceau.
    — Elle les échaufferait à un homme moins fougueux, sire. Mais justement, s'il y a à la fois tendresse et désir, je ne vois pas ce qui…
    — Que vous a-t-elle dit, Guérin ? coupa le roi.
    Pris à contre-pied, l'Hospitalier hésita avant de répondre.
    — À votre sujet ? fit-il enfin, sans chercher à dissimuler. Rien du tout. Elle s'y est toujours refusée et je ne l'ai pas interrogée. Mais je crois que j'ai compris tout de même. Vous êtes des leurs, n'est-ce pas ?
    — Un sang-mêlé seulement, le détrompa Philippe. Ça ne vous effraie pas ?
    Guérin haussa les épaules.
    — Je vous ai respecté pendant vingt ans sans savoir qui vous étiez. Je ne vais pas cesser brusquement à présent que je sais.
    Philippe le considéra d'un œil nouveau et lui posa la question qu'il brûlait depuis toujours de poser à un homme d'Église – raison pour laquelle, il s'en rendit compte, il avait révélé la vérité à son compagnon.
    — Alors, vous croyez que les… que nous avons une âme, nous aussi ?
    L'Hospitalier ferma un instant les paupières et prit une profonde inspiration.
    — Si vous désirez un avis objectif, sire, je vous répondrai que je n'en sais rien car je ne puis le démontrer. Mais je serais tout aussi incapable de démontrer que les humains en ont une. Si vous voulez ma conviction profonde, en revanche, la voici : il n'y a de différences entre les deux peuples que superficielles et Dieu n'aurait aucune raison d'accorder sa faveur à l'un plus qu'à l'autre. Vous n'êtes ni un monstre ni un usurpateur.
    Philippe lui saisit impulsivement la main et la serra avec force.
    — Merci, Guérin, dit-il. Agnès m'avait déjà parlé dans les même termes, mais…
    — Mais elle n'appartenait pas à l'Église. Je comprends, sire.
    — Quoi qu'il en soit, pour revenir au sujet qui nous occupe, il est néanmoins une chose que vous ignorez. Je ne désire pas vous l'apprendre car elle m'est douloureuse et ne vous serait d'aucune utilité. Sachez seulement qu'en raison d'un incident qui n'a aucun rapport avec Isambour, je ne supporte pas l'idée de m'unir à elle charnellement.
    Alors même que les mots sortaient de sa bouche, il se rendit compte qu'il mentait : ce n'était pas l'idée de s'unir à elle qui l'effrayait, c'était celle de ne pas en être capable. Cela ne changeait toutefois rien au résultat.
    — Je le conçois parfaitement, sire, mais ne pourriez-vous la reprendre tout de même ? Sans qu'il y ait commerce charnel entre vous. Vous savez comme moi que vous ne vous remarierez plus : rappeler la reine à la cour serait lui rendre un hommage qu'elle mérite amplement et vous attirer la faveur du pape au moment où vous avez plus que jamais besoin de son soutien. Pour le reste, si vous cherchez votre plaisir avec des conquêtes de passage, votre épouse s'en attristera mais je ne pense pas qu'elle s'en offusque.
    Philippe fit la moue, La solution paraissait simple et efficace mais il savait où elle le mènerait : les charmes d'Isambour l'obséderaient tant qu'il serait le premier à oublier le vœu de chasteté – et là, il n'y

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