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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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sauver cet enfant, dit-il. (Il ne pensait pas blasphémer : c'était sans nul doute le Tout-Puissant qui lui avait inspiré de faire appel à Isambour.) Vous avez été fortuné d'avoir pareille vision, mon bon Guillaume. Cependant… (Il parut hésiter.) Si jamais vous vous décidez, comme je le souhaite vivement, à écrire le récit du règne de notre sire, je vous conseille d'omettre cet épisode.
    — L'omettre ? Une apparition aussi rayonnante ? Alors que c'est le plus beau jour de ma vie ?
    Le chapelain paraissait outré. Guérin lui posa sur l'épaule une main amicale.
    — Réfléchissez, mon ami, dit-il. Nul autre que vous n'a observé l'événement. Je ne mets pas votre parole en doute car je connais votre probité et vous sais incapable de mensonge, mais d'autres pourraient vous taxer d'affabulation. Ou pire : d'intempérance !
    — Je me réjouissais déjà des vers que ce miracle allait m'inspirer, soupira Guillaume, mais je sens bien que vous avez raison, hélas.
    — En revanche, enchaîna l'Hospitalier, je compte sur vous pour tout raconter au roi dès son arrivée, sans témoin.
    — Au roi ? Ne croira-t-il pas, lui aussi, que j'invente ou que j'avais bu ?
    — Je puis vous affirmer qu'il vous accordera la même confiance que moi. Notre bien-aimé souverain n'est pas étranger aux miracles, vous devez le savoir : ceux qu'il a accomplis ont été dûment rapportés par le moine Rigord dans son manuscrit.
    À cet instant, en Guérin, quelque chose se débloqua. Ne se trouvant pas en France à l'époque des miracles en question, il s'était toujours demandé si Rigord ne les avait pas purement et simplement inventés pour magnifier la gloire du roi. Le moine, avant sa mort, avait juré tenir les faits du connétable de Clermont – lequel n'était malheureusement plus là pour le confirmer. Par une étrange pudeur, l'Hospitalier n'avait pas osé poser la question à Philippe. Sans doute il eût pu mener une enquête : il devait bien rester parmi les chevaliers des vétérans ayant participé au siège de Levroux ou au passage de la Huisne. Le problème, toutefois, lui paraissait de peu d'importance, aussi n'avait-il jamais pris le temps de le résoudre.
    À présent, il croyait que les miracles avaient vraiment eu lieu, et il croyait savoir comment. Tout autre que lui en eût été gravement décontenancé.
    L'escorte royale, crevant cheval sur cheval, ne s'accordant pas un instant de repos, n'arriva cependant à Paris que le lendemain. Hagard, les traits tirés par l'anxiété, Philippe se précipita au chevet de son plus jeune fils. Celui-là n'avait aucune chance de régner, sans doute ne serait-il jamais légitimé, mais le roi l'aimait tout de même, ne fût-ce qu'en souvenir de sa mère, une brave fille qui lui avait apporté quelques moments de tendresse et de calme, sinon de bonheur, à une époque où il en avait besoin. Elle n'avait pas à se plaindre de lui : jamais il n'avait promis de l'aimer toute sa vie, il lui faisait une pension confortable, et son fils serait chevalier, peut-être baron…
    Avant même d'arriver à la chambre du malade, Philippe avait croisé suffisamment de gens dans les couloirs pour le savoir sauvé. Soulagé, il alla le serrer dans ses bras. Pierre trépignait : par mesure de précaution, on le contraignait à garder le lit, alors qu'il se sentait en pleine forme et voulait aller jouer dehors. D'après ceux qui l'avaient vu la veille encore, sa guérison tenait du prodige.
    Dès que le roi eut autorisé l'enfant à se lever, son chapelain sollicita de lui un entretien particulier. Le récit de Guillaume clarifia bien des choses.
    — Je ne doute pas de vous, déclara Philippe à son interlocuteur pour le rassurer, et je loue Dieu de sa miséricorde. Mais si vous voulez m'en croire, le frère Guérin vous a donné un bon conseil : inutile de mentionner cela dans vos écrits ; cela vous causerait du tort.
    Quoique son âme de poète dût en être frustrée sa vie durant, Guillaume le Breton suivrait ce sage avis : ni dans sa Chronique ni dans sa Philippide, il ne ferait mention d'un ange aux cheveux d'or et à la chair d'albâtre.
    Philippe, l'ayant laissé à ses méditations, se hâta de rejoindre son conseiller privilégié.
    — C'est vous qui lui avez demandé d'intervenir, bien sûr, dit-il sans préambule, sachant que Guérin le comprendrait à demi-mot.
    — Non, sire. J'avoue que c'était mon intention mais je n'en ai pas eu le

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