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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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intention de regarder les combats ; elle resterait là, les yeux clos, à implorer Dieu de protéger son époux, de lui donner la victoire. Mais s'éloigner davantage, rentrer à Paris, lui eût été impossible : la bataille terminée, elle voulait être là pour tresser des lauriers au vainqueur ou fermer les yeux du vaincu.
     
    Guérin comptait franchir le pont de Bouvines et engager le combat dans les immenses pâturages de l'autre rive. Il n'en avait pas eu le temps : seules les milices communales avaient traversé lorsque l'Hospitalier lui-même, resté en arrière, était arrivé au grand galop auprès du roi pour annoncer que l'ennemi rejoignait l'arrière-garde. Dût-elle fléchir que l'armée fût prise au dépourvu.
    Philippe, suivi d'un groupe de chevaliers, avait galopé jusqu'au théâtre des hostilités. La vision de sa bannière et de sa cotte d'armes fleurdelisées avait rendu l'ardeur aux siens tout en déconcertant l'adversaire – lequel avait rompu le combat pour se réorganiser. Les courageux Bourguignons et Champenois de l'arrière-garde avaient alors rejoint le gros des troupes qui achevait de se ranger en ordre de bataille. Dernières arrivées, essoufflées, les milices communales qui avaient dû repasser le pont n'en reprenaient pas moins leur place devant la chevalerie franco-normande.
    Il était temps d'en terminer.
    — Un bel endroit pour se tuer, apprécia Guillaume le Breton en contemplant le champ de bataille plat, dépourvu d'obstacle.
    La chaleur était à son apogée, l'air immobile. Dans le ciel, les derniers oiseaux avaient disparu.
    Philippe jeta un bref coup d’œil au chapelain puis fit face à ses chevaliers. Aussi fort qu'il parlât, seule une infime fraction de son armée l'entendrait, mais il ressentait le besoin de prononcer quelques mots – ne fût-ce que pour se convaincre lui-même de son bon droit.
    — Otton et les siens sont excommuniés parce qu'ils sont ennemis et destructeurs des choses de l'Église, entonna-t-il. Leur or et leur argent, ils les ont arrachés aux biens des prêtres, aux larmes des pauvres. Nous, nous sommes chrétiens. Pécheurs comme les autres hommes, nous tâchons néanmoins de vivre dans la paix de Dieu. Fions-nous donc hardiment à la miséricorde divine : le Seigneur nous donnera de surmonter nos ennemis qui sont aussi les siens.
    Puis il leva la main droite et entreprit de bénir ceux qui allaient vaincre ou mourir à ses côtés. Dans l'émotion générale, Guillaume le Breton et son acolyte entamèrent un psaume : si la voix ne leur manquait pas, si la mort ne les faisait pas taire, ils chanteraient tant qu'on se battrait.
    À peine Philippe s'était-il de nouveau retourné que les premiers cris de guerre, les premières cavalcades retentissaient sur sa droite, vite suivis des premiers hurlements.
    Un escadron de cent cinquante sergents à cheval – à la vérité des paysans du Soissonnais, légèrement équipés – venait sur l'ordre de Guérin de charger la chevalerie flamande dans l'espoir de la désorganiser. Ferrand et les siens, vexés de se voir opposer des adversaires sans noblesse, dédaignèrent avec hauteur de les combattre et se contentèrent d'en éventrer les montures. Une fois à pied, comme l'exigeait l'ordre naturel, les manants naguère indignes d'un coup de lance ne l'étaient plus d'un coup d'épée.
    Tandis que se poursuivait cette échauffourée inégale et qu'au centre, l'infanterie impériale s'ébranlait après que les archers eurent décoché une meurtrière volée de flèches, trois chevaliers flamands semblant se croire au tournoi vinrent défier trois chevaliers français en joute singulière. Défi promptement accepté, joute promptement disputée : les trois Flamands roulèrent dans la poussière ; deux d'entre eux furent capturés, le dernier égorgé car on ne pouvait l'empêcher de hurler « Mort aux Français ! ». Ces victoires opportunes donnèrent du cœur aux chevaliers bourguignons et champenois.
    Les premiers s'étaient déjà interposés sur le passage de Ferrand qui, fidèle à son vœu d'abattre le roi de France, cherchait à le rejoindre, les yeux fixés sur la bannière aux fleurs de lys. Alors qu'on assénait et encaissait de part et d'autre force horions, le comte de Saint-Pol surprit les Flamands en les chargeant à la tête d'une troupe de chevaliers spécialement choisis et entraînés par ses soins, montés sur des destriers aussi fougueux que dociles. L'ennemi

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