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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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vous conserverez la jouissance de ces terres tant que vous vivrez, et plaise à Dieu de vous conserver auprès de nous le plus longtemps possible. Vos messagers disaient toutes les dispositions d'ores et déjà prises pour la cérémonie ?
    — L'évêque de Senlis et celui de Laon nous attendront à l'abbaye de la Sainte Trinité, confirma le comte. Vous serez marié avant que Vêpres n'aient sonné.
    Le roi approuva à nouveau du chef, songeur. Raoul de Clermont, en toussotant, le rappela à la réalité.
    — Il y a tout de même un petit problème… commença-t-il, l'air gêné, en caressant son crâne chauve.
    — Ce n'est pas un problème, coupa Philippe d'Alsace. C'est une condition sans importance.
    — Notre bon sire ne doit pas moins en être informé, insista le connétable.
    — Foin de ces précautions oratoires, messeigneurs, trancha l'intéressé. Venez-en au fait.
    — Le comte de Hainaut a exigé une clause supplémentaire au contrat, reprit Raoul. Si sa fille devait mourir sans héritier mâle, ou si ledit héritier mourait de même, la dot reviendrait dans son intégralité à Baudouin.
    — Par bonheur, une telle éventualité est improbable au point d'en être négligeable : nos rois ont toujours engendré des mâles, enchaîna le Flamand, oubliant qu'il avait fallu cinq essais et trois épouses à Louis VII pour en arriver là.
    Philippe déglutit avec peine. Pour masquer son trouble, il affecta l'irritation :
    — Et à quoi rime pareille condition, je vous le demande ? lança-t-il à son parrain.
    — À mon sens, Baudouin veut juste éviter que l'Artois ne soit annexé trop vite au domaine royal. Estimez-vous qu'il s'agisse d'un empêchement à votre union ? Nous sommes-nous donné tant de peine pour rien ?
    Le comte semblait authentiquement inquiet : ce mariage était son œuvre ; en unissant sa nièce au roi des Français, il resserrait son emprise sur ce dernier, se hissait un peu plus au-dessus des autres conseillers et imposait parmi eux son beau-frère qui, il le croyait, lui serait un allié fidèle. L'échec de l'opération lui eût coûté.
    Philippe médita un long moment avant de répondre, en partie parce qu'il lui plaisait d'entretenir le malaise de son interlocuteur, mais surtout parce qu'il se demandait que penser de l'exigence du Hennuyer. D'un côté, elle le contrariait fort, car c'était à la fois une atteinte à son orgueil et une menace pour ses ambitions. D'un autre, il ne pouvait nier qu'elle lui apportait un apaisement aussi intense qu'inespéré.
    — Non, monseigneur, cela ne change rien à nos projets, dit-il enfin, au grand soulagement de Philippe d'Alsace. Simplement, il me faudra être prudent. Même une fois mon épouse nubile, je ne la connaîtrai que quand je l'estimerai assez solide pour supporter la maternité. Si elle mourait en donnant le jour à un fils mort-né – ou à une fille –, la perte serait incalculable pour le royaume, et l'on a souvent vu trépasser en couches des femmes engrossées trop jeunes.
    — C'est la sagesse qui parle par votre bouche, sire, déclara le comte de Flandre, à nouveau rayonnant, tandis que le connétable hochait la tête, approbateur.
    — À présent, conclut le roi, si ma fiancée est prête, il me plairait de faire sa connaissance.
    La première rencontre entre les futurs époux se déroula dans une petite pièce dont un feu de cheminée tout juste allumé n'avait pas encore réchauffé l'air. Une torche qui produisait plus de fumée que de lumière, fixée au mur, en fournissait le seul éclairage, un bahut et deux escabeaux l'unique ameublement. Nulle tenture, nul ornement ne venaient rompre la grisaille de ce lieu qu'imprégnait une forte odeur de poussière. Décidément, non, il n'était pas question d'amour, surtout pas de cette fin ' amor aux accents courtois, romanesques, qui avait franchi la Loire dans les bagages de la reine Aliénor et dont les chevaliers faisaient désormais leur idéal – sinon toujours un art de vivre.
    Philippe arriva le premier et, solitaire, il attendit, marchant de long en large pour tromper sa nervosité. Par la fenêtre qu'obstruait une toile cirée, il constatait que la lumière du jour commençait à décliner. Bientôt, il serait temps de se mettre en route pour l'abbaye et d'y sceller le destin du royaume.
    Quand la porte s'ouvrit, le jeune souverain s'immobilisa, le cœur battant, les avant-bras en proie à la chair de poule.
    Le comte de Flandre

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