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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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reprit Richard. Que crains-tu ?
    — Rien. Je songeais à ma femme, c'est tout, mentit le roi pour esquiver un sujet pénible.
    — Dame Isabelle te manque, on dirait.
    — Ma foi, oui, répondit-il – sans mentir, cette fois. J'admets éprouver pour elle une grande tendresse, et il y a trop longtemps que nous n'avons dormi ensemble.
    — Je t'envie, déclara le comte. Dieu sait si j'aime les femmes et si les prendre comme elles se présentent, un jour l'une, le lendemain une autre, me ravit, mais je me dis parfois que la vie conjugale recèle des joies qui me sont inconnues. (Il soupira.) Il en irait autrement si le vieux, malgré ses promesses, n'avait pas sans cesse repoussé mes noces avec ta sœur.
    — À cela aussi, nous allons mettre bon ordre. Adélaïde et toi serez mariés avant l'Assomption, je t'en réponds.
    — C'est là mon plus cher désir.
    Quelque chose, une vague inflexion ironique dans la voix de son compagnon, peut-être, suggéra à Philippe que, sur ce point précis, on ne lui disait pas la vérité. Richard avait sans doute trop prêté l'oreille aux rumeurs grandissantes qui circulaient à propos de son éternelle fiancée – et que son père ne se gênait pas pour confirmer. Le jeune roi lui-même ne savait trop à quoi s'en tenir en la matière, mais il pressentait des difficultés. Toutefois, convaincu que chaque problème trouvait sa solution si on la cherchait au bon moment, ni trop tard ni trop tôt, il choisit pour l'heure d'abandonner ce sujet épineux – qu'il pourrait aborder derechef une fois établie l'attitude d'Henri.
    Henri qui n'arrivait toujours pas.
    — Il n'avait encore jamais été en retard, remarqua Philippe, presque pour lui-même.
    Richard eut un petit rire.
    — Tu es bien placé pour le savoir. Combien avez-vous déjà eu d'entrevues comme celle-ci ? Dix ? Vingt ?
    — Bien moins que cela, mais tout de même assez pour que je le sache ponctuel.
    — J'aurais aimé être là la première fois que vous vous êtes rencontrés après ta montée sur le trône, je l'avoue. Juste pour le voir plier le genou devant le gamin que tu étais à l'époque. C'est ton mariage qui a tout déclenché, je crois ?
    — C'est surtout le couronnement d'Isabelle. Le mariage, ma mère et mes oncles de Champagne l'ont prétendu nul, sous prétexte qu'il n'avait pas été approuvé par les barons et les évêques. On a dit que le comte de Flandre avait profité de ma jeunesse pour me l'extorquer.
    — A-t-on jamais pu t'extorquer quoi que ce soit ?
    — Des concessions, oui, et je les ai toujours fait payer un bon prix. Mais cette union, je l'ai voulue, même si les Champenois ont aussi prétendu que la fille du comte de Hainaut n'était pas d'assez haute noblesse – alors qu'elle descend de Charlemagne.
    — Que ne l'as-tu proclamé afin de mettre un terme aux quolibets ? s'étonna Richard.
    — Pour deux raisons, mon ami. Tout d'abord, je n'entendais pas m'appuyer sur un quelconque ancêtre, aussi illustre fût-il, pour asseoir ma position sur le trône. Ensuite, ces quolibets-là faisaient mon affaire. Rappelle-toi qu'une semaine plus tôt, mon oncle Henri jugeait Isabelle tout à fait digne d'épouser son propre héritier. En la déclarant indigne de moi, il reconnaissait implicitement la supériorité de ma lignée sur la sienne.
    — Je n'aurais pas songé à cela, avoua le comte de Poitiers, admiratif.
    — À dire la vérité, je n'y ai point songé non plus, reconnut Philippe, souriant. J'étais même furieux. C'est mon vieux maître, Robert Clément, qui m'a fait remarquer la chose avec sa sagesse coutumière.
    Des phrases latines psalmodiées d'une voix sonore leur firent tourner la tête. Devant la fosse à peine refermée sur son macabre contenu, l'évêque de Beauvais, tout de fer vêtu et l'épée au côté, entamait la cérémonie funéraire avec deux sergents en guise de diacres. Si le roi connaissait bien son cousin, le paysan martyr serait recommandé à Dieu en moins de temps qu'il n'en avait fallu pour l'expédier ad patres.
    — Et ce couronnement ? reprît enfin Richard. D'après les récits qu'on m'en a faits, il a été assez houleux.
    Philippe hocha la tête.
    — Très. Pourtant, nous avions minimisé les risques. Nous avions d'abord prévu de nous rendre à Sens, mais de crainte que mes oncles n'attaquent le cortège, nous avons fait venir l'archevêque à Saint-Denis, et même avancé la date de plusieurs semaines. Les

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