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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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un augure qui se refusait, il n'entendit pas qu'on frappait à sa porte ni que, faute d'obtenir une réponse, on finissait par entrer. Il fallut qu'une main se posât sur son épaule pour qu'il réagît.
    — Eh bien, qu'y a-t-il ? s'enquit Renaud, mi-amusé mi-inquiet. Tu rêves ?
    Malgré le couronnement, nul protocole ne s'appliquait entre eux dans l'intimité : le roi et le fils de comte, seul à seul, redevenaient simples camarades. Souvent, en pareille occasion, Philippe avait failli se livrer, révéler ce qui le tourmentait, mais au dernier moment, le cœur lui avait manqué. Renaud, quoique non dénué d'intelligence, raisonnait en termes simples. Il était totalement, désespérément normal. Il ne comprendrait pas. En outre, si le jeune roi se faisait lui-même grief de son ascendance inhumaine, s'il rougissait de son impuissance, pouvait-il demander à qui que ce fût de ne pas le haïr pour ceci, le mépriser pour cela ?
    Décidément, il devait porter seul le poids de ses secrets. Sachant cependant que son compagnon eût été surpris de ne pas recevoir de réponse, il opta pour un demi-mensonge.
    — Je songeais à Charlemagne, répondit-il. Je me demandais s'il me serait un jour donné de restaurer le royaume de France tel qu'il était de son temps.
    Renaud eut un petit rire, à peine moqueur.
    — Noble ambition mais rude tâche, commenta-t-il. Cela dit, tu pourrais prendre un plus mauvais départ : je venais t'annoncer que les émissaires du comte sont arrivés. Ta petite fiancée t'attend à la forteresse de Bapaume, avec l'Artois dans sa corbeille de mariée. Tu me diras ce que cela fait de foutre un comté.
    Philippe, qui s'était levé d'un bloc à l'énoncé de la nouvelle, haussa les épaules en réponse à cette dernière remarque tout en enfilant ses braies.
    — Je ne suis pas près de le savoir : elle a à peine dix ans.
    — Alors, ce sera une bien triste nuit de noces, mon beau sire, à moins qu'on ne trouve une suppléante à la noble épousée. Si tu veux, je m'en charge.
    — Mille mercis, repartit-il, anxieux de changer de sujet, mais je n'ai nul besoin qu'on arrange mes plaisirs. Quand sommes-nous attendus ?
    — Le plus tôt possible, à ce qu'il paraît. Ton parrain a déjà convoqué deux évêques. Deux ! Tu te rends compte ?
    — Il faudra bien ça pour remplacer mon oncle Guillaume. Qui va être furieux, entre nous soit dit. Surtout quand il saura qu'on compte aussi se passer de lui le jour du couronnement de la reine.
    Renaud eut une moue perplexe.
    — Je croyais que c'était toujours l'archevêque de Reims qui couronnait les souverains de France.
    — C'est une tradition, pas une loi.
    — Et tu crois qu'il sera possible de…
    — Ce sera possible, puisque je le veux, conclut le roi en achevant de s'habiller. Viens ! Sautons à cheval et allons retrouver ma fiancée.
     
    S'il avait été question d'amour, on n'eût pu choisir endroit moins approprié, songeait Philippe en découvrant la sinistre forteresse de Bapaume aux murailles noires crénelées, battues par une pluie et un vent violents, qui se découpaient contre le ciel chargé de nuages. Heureusement, il n'était question que de politique, d'un simple contrat dont le lieu austère et le mauvais temps ne dépareraient pas la sordidité.
    Le comte de Flandre attendait son filleul en compagnie du connétable dans une des cheminées de la grand-salle où ils purent converser à leur aise, tandis que Renaud et le reste de l'escorte royale allaient se sécher dans l'autre. L'héroïne du jour brillait par son absence. Devant l'inquiétude du fiancé, Philippe d'Alsace s'empressa de le rassurer : Isabelle s'était vu attribuer la chambre la moins inconfortable de la forteresse, où les dames de sa suite s'employaient à l'habiller et à la parer pour le mariage. Le comte, comme toujours superbe, paraissait en outre très fier de lui.
    — La chose n'a pas été aisée, confia-t-il, mais nos arguments ont fini par prévaloir. Baudouin ne pouvait guère refuser un roi pour gendre ; toutefois, l'homme est dur en affaires et craint pour son indépendance. En définitive, il dote sa fille d'Arras, d'Aire, d'Hesdin et de Saint-Omer. Ou plutôt, c'est moi qui l'en dote, mais cela revient au même puisqu'il devait hériter tous mes fiefs. J'espère, sire, que cet arrangement vous agrée.
    Philippe hocha la tête.
    — Ce sont les termes dont nous étions convenus, dit-il. Il va de soi, monseigneur, que

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