Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
m'accorde r l' amour dont j'attends tant d'honneur que je n'échangerais pa s co ntre Pise cette richesse.)
    Bernard de Ventadour

II

1
    Les deux grands colombiers de pierre qui donnaient son nom au lieu-dit avaient subi les outrages de la guerre. De l'un, il ne restait plus que des murs noircis, à demi effondrés. L'autre, encore entier, n'avait pas moins vu sa porte arrachée de ses gonds. Son toit conique, percé d'une large brèche, fournissait un accès supplémentaire aux pigeons qui nichaient là. Les oiseaux, du moins ceux qui avaient échappé aux archers, étaient revenus en leur logis dès la fin du pillage, indifférents aux querelles humaines.
    Henri Plantagenêt, à l'heure dite, n'était pas au rendez-vous.
    Philippe, Richard et leur troupe s'installèrent à l'ombre des colombiers, ou de ce qu'il en restait, l'endroit se trouvant sinon en rase campagne, comme tout bon site d'entrevue, afin de prévenir une éventuelle félonie. À quelque distance de là, trois des sergents, suant et soufflant, s'employaient sur l'ordre du roi à creuser une fosse, afin de donner une sépulture chrétienne au paysan dont le cadavre mutilé gisait dans un des bâtiments. L'homme, comme tant d'autres, avait sans doute eu pour seul tort de se trouver là à l'arrivée de la soldatesque. Du moins, sa tombe ne serait-elle pas bénie par un prêtre quelconque mais par l'évêque de Beauvais, ce qui, Philippe le croyait, faciliterait son entrée en paradis.
    — Je t'avais dit qu'il ne viendrait pas, déclara Richard avec un sourire entendu quand le roi commença à donner des signes d'impatience.
    Henri II s'était réfugié à Chinon, une des dernières places à rester siennes après les prises de Tours et du Mans, sa ville natale, par les troupes françaises alliées à celles de son propre fils. Aux abois, contraint de négocier, il avait accepté sans discuter l'invitation – la convocation – de son suzerain. Alors, pourquoi n'était-il pas là ? Le courage lui avait-il manqué, au dernier moment, pour se présenter en vaincu, lui, le plus puissant prince d'Europe après l'empereur ? N'était-ce bien que cela ?
    Philippe se méfiait : même terrassée, la vieille bête aurait peut-être encore la force de mordre. Lorsqu'il n'y tint plus, son imagination fertile lui inspirant nombre d'hypothèses toutes plus inquiétantes les unes que les autres, il dépêcha sur la route de Chinon, en compagnie de deux sergents, le fils du vieux Robert Clément, Aubri – pour qui il avait créé le titre de maréchal du roi –, qu'il chargea de s'informer.
    — Que feras-tu s'il persiste à se terrer ? interrogea Richard quand son allié revint s'asseoir auprès de lui.
    — Je l'assiégerai, évidemment, il le sait. Il sait aussi que je gagnerai. C'est pour ça qu'il viendra : être capturé comme un vulgaire lapin pris au collet lui causerait une honte dont il ne se relèverait pas. (Le roi marqua un temps d'arrêt, les traits tirés, avant de continuer :) J'avoue d'ailleurs que je détesterais en arriver là, moi aussi. Je désire sa soumission, pas son avilissement.
    Le comte de Poitiers eut un sourire amer.
    — Parfois, il me semble que tu as plus d'amour pour lui que moi, bien que ce soit mon père.
    — Je ne l'aime pas, le détrompa Philippe. Il a trop cherché à me nuire. Mais je le respecte, oui, parce qu'à une époque, il a été le seul à me respecter, moi.
    — Au tout début, devina Richard. Tu crois vraiment qu'il l'a fait par bonté d'âme ?
    Son compagnon secoua la tête.
    — Je crois qu'il l'a fait parce qu'il avait d'excellentes raisons d'agir ainsi. Il n'empêche que, sur le moment, son attitude m'a donné l'assurance dont j'avais besoin. Je lui en reste reconnaissant. (Il eut une brève crispation des lèvres.) Mais pas assez pour l'épargner au mépris de mes intérêts et des tiens, rassure-toi. Tu obtiendras les titres et les terres qui te reviennent de droit.
    — Et qui devraient être miens depuis beau temps, par les dents-Dieu ! approuva le comte en caressant sa courte barbe rousse.
    Philippe réprima une grimace. Les Plantagenêts, le père et ses fils, juraient à tout propos, le plus souvent par les portions d'un hypothétique corps divin. Si ces blasphèmes l'irritaient toujours, il avait appris à les supporter quand il le fallait – et il ne pouvait guère mettre son principal allié à l'amende, encore moins le faire jeter à l'eau.
    — Tu sembles préoccupé,

Weitere Kostenlose Bücher