Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
alors qu'on avait pour gendre un duc de Bavière en rébellion ouverte, c'était retirer audit gendre tout espoir de réconciliation. C'était en outre la promesse de difficultés prolongées dont le Plantagenêt n'éprouvait nul besoin.
    Inconfortable, oui, sa situation l'était, mais avec un peu de chance et beaucoup d'habileté, il pouvait s'en sortir grandi, à la fois en prestige et en influence.
    Les cavaliers arrêtèrent leurs montures à dix toises de l'orme. Ayant mis pied à terre, le jeune roi et ses conseillers les plus écoutés du moment vinrent à la rencontre d'Henri – les deux comtes côte à côte, trois pas en arrière, tels de véritables gardes du corps.
    Les souverains s'immobilisèrent au même instant, face à face, si près l'un de l'autre qu'ils n'eussent eu qu'à tendre le bras pour se toucher. L'Anglais dominait le Français d'une tête et devait peser soixante livres de plus, au point qu'on l'eût dit capable de l'écraser d'un revers de main. Avec une apparente décontraction, les poings sur les hanches, un sourire ironique aux lèvres, il fixa le garçon droit dans les yeux, sans un mot.
    Cet affrontement n'eut pas le résultat escompté : quoique tendu, intimidé, Philippe lui rendit son regard sans ciller et, plutôt que la gêne, ce fut l'irritation qui le saisit, trahie par une légère crispation des mâchoires. Henri, de plus en plus convaincu qu'il devait jouer serré, mit fin à la comédie dès qu'il remarqua ce signe : laissant retomber les bras le long du corps, il posa un genou en terre et inclina la tête.
    — Je vous salue, sire, dit-il, aussi humble qu'il pouvait l'être. Vous accueillir sur cette terre que je tiens de vous m'est un grand honneur et une grande joie.
    Il avait choisi ses mots avec soin, reconnaissant devoir l'hommage au souverain français pour ses fiefs continentaux et affirmant de surcroît que ledit souverain était bel et bien celui qui se tenait devant lui, non celui qui agonisait à Paris depuis des mois.
    — J'accepte l'hommage du comte d'Anjou et du duc de Normandie, puisqu'il est mon vassal, répondit Philippe, après quelques instants d'un silence pesant. (Puis il avança d'un pas, tendit ses mains ouvertes et ajouta d'un ton plus chaleureux :) Mais veuille le roi d'Angleterre se relever et m'embrasser, puisqu'il est mon égal.
    Henri retint un éclat de rire. Ce blanc-bec ne manquait pas d'impudence : égaux, certes, ils l'étaient dans l'esprit mais non dans les faits. Toutefois, le faire remarquer eût été inopportun. Que le jeune coq se berce d'illusions tant qu'il le pouvait ; il apprendrait le moment venu à connaître le vieux lion.
    Les deux monarques se donnèrent l'accolade tels des amis de longue date, en toute simplicité, et bien des membres de leurs suites, à cette vue, respirèrent plus aisément. Quand le comte de Flandre et celui de Hainaut eurent à leur tour salué le Plantagenêt, plus formellement, ce dernier se retourna vers Philippe.
    — Si nous faisions quelques pas dans cette aimable prairie, vous et moi ? proposa-t-il. Il paraît que nous avons à débattre, et je sais d'expérience qu'exercer le corps contribue souvent à aiguiser l'esprit.
    En d'autres termes : pourrions-nous nous entretenir hors la présence de vos conseillers ? Aucun des intéressés ne fut dupe de la circonlocution.
    — Sire… commença le Flamand.
    — N'ayez aucune crainte, monseigneur, coupa son filleul, chassant ses objections d'un geste. Je serai en bonne compagnie, et nous ne nous éloignerons pas tant que vous ne puissiez voler à notre secours si quelque danger venait à nous menacer.
    Philippe d'Alsace se renfrogna mais ne put que s'incliner.
    — Ne t'inquiète de rien, lui souffla Baudouin, tandis que les deux rois s'éloignaient au bras l'un de l'autre. Le gamin sait qui sont ses amis et où réside son intérêt ; il ne prendra aucune décision sans nous consulter.
    Son beau-frère le savait fin politique et grand connaisseur de l'âme humaine : quoique vexé, il crut en cette prédiction.
    Il eut tort.
    Les manières directes du Plantagenêt plaisaient au Capétien. Plutôt que de se perdre en vains compliments, pourtant d'usage en pareilles circonstances, ou d'aborder par maints détours les questions préoccupantes, Henri entra droit dans le vif du sujet.
    — Vous ne l'ignorez pas, je suis ici parce qu'on voudrait que je vous fasse la guerre, commença-t-il tandis qu'ils marchaient de long en large, à

Weitere Kostenlose Bücher