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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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suivi.
    — Plaise à Dieu, sire, que notre affection mutuelle demeure intacte et que jamais je ne sois contraint de vous dépouiller de vos places fortes, dit-il.
    L'Angevin le considéra un long moment, interloqué par tant d'assurance, puis il éclata de rire à nouveau. Des années plus tard, il devait se remémorer cette conversation – sans y percevoir la moindre trace d'humour.
    « Une querelle s'éleva entre le roi Philippe et sa mère Adèle. Certains châteaux que la reine Adèle avait reçus en douaire furent pris par les agents du roi Philippe, sur son ordre, et leurs gardiens violemment expulsés. Toutefois, le roi et sa mère furent réconciliés lorsqu'ils en appelèrent au jugement du roi d'Angleterre, en un conseil de rois qui prit place à Gisors le 28 juin. »
    Raoul de Diceto, Images de l'Histoire

3
    Aux derniers jours de l'été, le vieux roi Louis VII ordonna que ses biens personnels fussent distribués aux pauvres, puis il expira tranquillement.
    Tout aussi tranquillement, on continua de l'oublier.
    « Ce défunt à qui tu survis, tu es le successeur de sa dignité, tu
manques à ton lignage si tu ne tiens pas sa renommée. »
    Épitaphe gravée selon les instructions d'Adèle de Champagne
sur le tombeau de son époux, à l'intention de son fils.

4
    Dans la chambre qu'on lui avait assignée au palais royal de Senlis – où résidait alors la cour itinérante –, tout au bout d'un long couloir à l'autre extrémité duquel se trouvait celle du roi, la petite reine Isabelle achevait de se faire habiller après avoir pris son bain aux étuves, quand la reine mère entra sans avoir été annoncée.
    Adèle eut un mouvement sec de la tête pour chasser les suivantes, qui se hâtèrent de sortir. Isabelle la contempla avec une surprise mêlée d'inquiétude : de telles visites étaient si rares que celle-là ne pouvait rien présager de bon.
    — Pardonnez-moi, ma mère, de n'avoir à vous offrir que le lit ou un de ces coffres pour vous asseoir, dit-elle. Quant à moi, je prendrai l'escabeau.
    La pièce, d'assez petite taille, n'était meublée que du strict nécessaire, auquel s'ajoutaient les quelques malles apportées par son occupante. Plus facile à chauffer qu'une salle immense, elle eût convenu à la jeune fille, que ses goûts portaient à la simplicité, si cette absence de faste n'avait signifié une absence d'amour. Depuis près de quatre ans qu'elle avait épousé Philippe, la bienveillante indifférence qu'affichait ce dernier à son égard s'était peu à peu muée en hostilité. Cela faisait désormais deux mois qu'il ne lui avait adressé la parole, sinon pour des remarques formelles en public. Chaque fois qu'elle surprenait son regard sur elle, elle le trouvait courroucé, au mieux ennuyé.
    — Je ne suis pas votre mère et je n'ai aucune intention de m'asseoir, répliqua Adèle de Champagne.
    Cependant, elle ne paraissait pas en colère : ses lèvres d'ordinaire pincées s'ornaient d'un sourire, et une joie mauvaise brillait dans ses yeux. Son visage triangulaire, cerné par le voile et la mentonnière, n'avait jamais autant évoqué pour Isabelle une tête de serpent venimeux.
    — À votre guise, madame.
    La jeune reine, quant à elle, se fût bien assise, car elle sentait ses jambes flageoler sous l'effet de l'appréhension, mais elle ne désirait pas que sa belle-mère pût la toiser d'encore plus haut.
    — Je suis juste venue vous annoncer une bonne nouvelle, reprit Adèle. Vous n'allez pas tarder à revoir votre terre natale et vos amis hennuyers.
    La première pensée d'Isabelle fit naître une lueur joyeuse dans ses yeux.
    — Le roi projette une visite à la cour de mon père ?
    Sa visiteuse secoua la tête, toujours souriante.
    — Pas exactement, non. Savez-vous pourquoi il réunit ses barons, tout à l'heure ? (Comme la jeune fille ne répondait pas, interdite, elle continua :) Il va annoncer son intention de vous répudier, ma fille. Nous en avons pris la décision au dernier conseil, et il vient de me la confirmer.
    Elle insista sur le « nous », pour bien souligner la part qu'elle avait prise à ladite décision.
    Les yeux de la petite reine n'en brillèrent que plus fort, mais la joie en avait disparu. Isabelle se mordit les lèvres, décidée à refouler ses larmes, à demeurer digne.
    — Ah ! Et ne venez pas vous plaindre, je vous prie ! conclut sa belle-mère avant de tourner les talons. Vous n'avez à blâmer que votre

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