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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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stérilité.
    — Vous m'avez toujours détestée, n'est-ce pas ? lança Isabelle sans réfléchir.
    La reine mère s'arrêta au moment de franchir la porte, resta immobile un moment, comme si elle avait eu besoin de méditer la question, puis se retourna à demi.
    — Ma foi, oui, avoua-t-elle simplement.
    — Moi, j'aurais pu vous aimer si vous l'aviez voulu, dit la jeune fille, dont les yeux s'embuaient malgré ses efforts.
    — Mais c'est ça qui m'ennuie, chez vous, ma petite, répliqua Adèle. Vous êtes tout le temps prête à aimer tout le monde. Une bonne souveraine ne peut s'autoriser ce genre de fantaisie.
    Elle-même, qui n'aimait personne, ne se l'autorisait certes pas, songea sa belle-fille, une fois seule, sachant pourtant que telle n'était pas la vraie raison de la haine qu'on lui vouait : malgré son retour en grâce, la mère du roi ne pardonnait pas à celle qu'elle estimait avoir été la cause, même involontaire, de sa brouille avec Philippe. Elle ne lui en voulait pas d'être ce qu'elle était mais d'être, tout simplement.
    Deux coups légers furent frappés à la porte qui s'ouvrit pour laisser passer les suivantes éconduites un peu plus tôt.
    — Allez ! les renvoya Isabelle. Je n'ai plus besoin de vous.
    Il lui restait à coiffer ses longs cheveux blonds, à les tresser et à les emprisonner sous le voile. Machinalement, elle ouvrit un des coffres pour y prendre sa brosse, qu'assise sur l'escabeau, elle entreprit de passer dans ses mèches emmêlées. Ses mains tremblantes ne lui obéissaient qu'à peine ; l'agitation lui faisait manier l'instrument avec plus de violence que d'efficacité, si bien qu'elle s'arrachait les cheveux, sentant à peine la douleur.
    Répudiée… se répétait-elle, alors que ses joues étincelaient désormais de larmes auxquelles elle donnait libre cours sans en avoir conscience. Répudiée…
    Oh, ce ne serait pas le terme qu'on emploierait dans les actes, bien entendu. On parlerait pudiquement d'annulation, mais le résultat serait identique. Et la cause évoquée serait celle que la reine mère avait mentionnée avec tant de délicatesse : la stérilité.
    Isabelle ne savait pas si elle était stérile. Elle supposait que c'était possible, puisqu'elle n'avait pas encore eu d'enfant, mais elle ne pouvait non plus s'empêcher de penser qu'elle n'avait que quatorze ans et que tout espoir n'était pas perdu. En outre, si l'on avait vraiment voulu qu'elle devînt grosse, n'eût-on pas fréquenté sa couche plus souvent ? Sur ce point, elle n'avait aucune certitude : elle savait les enfants fruits de l'union des hommes et des femmes mais ignorait combien de fois il convenait de procéder à cette union – nul n'avait jugé bon de l'en informer et elle n'avait osé poser la question. Le simple bon sens lui soufflait toutefois que plus nombreuses les occasions, plus grandes les chances de concevoir.
    Officiellement nubile depuis deux ans, dans les faits depuis un peu moins que cela, elle n'avait encore accompli que deux fois le devoir conjugal – la dernière plus de trois mois auparavant, juste après la Nativité. Elle n'avait pas aimé ce que Philippe lui avait fait en ces occasions, mais elle s'était néanmoins soumise à ses désirs : tel était son rôle. En outre, elle voulait ardemment lui plaire, car elle l'aimait.
    Sans doute ne lui avait-elle pas plu…
    Bien qu'il n'eût jamais eu la cruauté de le lui dire, elle avait senti qu'il venait à elle par obligation, sans plaisir, et qu'il la quittait insatisfait. Pourtant, les hommes aimaient coucher avec les femmes : les serviteurs, les pages, les chevaliers même, ne parlaient presque que de cela lorsqu'ils étaient ivres et ignoraient qu'on les écoutait. Les femmes, parfois, se laissaient aussi aller à des confidences qui s'achevaient par des rires. Tout cela, décidément, avait l'air bien joyeux, bien agréable.
    Puisqu'Isabelle et Philippe, eux, n'avaient trouvé ni joie ni agrément dans leurs rapports conjugaux, la jeune fille devait en conclure qu'il y avait quelque chose d'anormal. Sans doute était-ce sa faute, à elle. Sans doute était-elle trop laide. Les seigneurs qui ne cessaient de la complimenter sur sa beauté n'étaient que de vils flatteurs cherchant à gagner la faveur de la reine sans savoir qu'elle-même ne disposait pas de celle du roi.
    Qu'elle fût stérile ou incapable d'inspirer le désir à son époux, il n'en restait pas moins qu'on allait la chasser. La

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