Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
Vom Netzwerk:
se lisait dans ses yeux, dans ses gestes. Hommage d'autant plus émouvant qu'il provenait d'un écuyer de belle figure et empli de prestance. Un instant, elle souhaita être amoureuse de lui plutôt que de Philippe, lui être mariée – car, trop innocente, elle ne soupçonnait pas que s'ils avaient été époux, ce beau soupirant eût peut-être bien moins soupiré.
    — Êtes-vous bien sûr que le roi, au fond de son cœur, n'est pas décidé à se séparer de moi ? interrogea-t-elle, tandis que l'espoir asséchait doucement ses larmes.
    Renaud, sans doute, attendait une autre réponse, exprimant sinon une réciprocité de sentiments, du moins de la reconnaissance, mais Isabelle ne songeait qu'à Philippe. Une vague déception passa sur le visage du jeune homme qui, toutefois, se reprit vite, fidèle au rôle qu'il s'était fixé, au point que sa compagne ne se rendit compte de rien.
    — Je vous le jure sur mon honneur, dit-il.
    — En ce cas, parlez. Que dois-je faire ?
    — Il vous faudra beaucoup de force et d'humilité, prévint-il, la mine soudain assombrie.
    — L'humilité ne me manque pas. Quant à la force, s'il le faut, je la trouverai. Savoir que je ne suis pas seule m'en donne déjà plus que je ne croyais en posséder. (Elle se rendit enfin compte que Renaud n'avait pas lâché ses mains. Lui souriant en matière de compensation, elle les lui reprit l'une après l'autre et les joignit sur ses genoux après avoir essuyé de ses manches ses yeux humides.) Je vous sais infiniment gré, sachez-le, d'avoir pris tant de risques pour venir m'assister dans ma détresse, et je ne l'oublierai pas. À présent, hâtez-vous : on pourrait venir, et alors, tous vos efforts seraient réduits à néant.
    Renaud parla donc. Lorsqu'il eut achevé d'expliquer la manœuvre ourdie par le clan capétien, Isabelle avait repris des couleurs. Si ce qu'on attendait d'elle pouvait servir sa cause, comme on le lui affirmait, elle n'hésiterait pas à l'accomplir. Y eût-elle songé qu'elle l'eût accompli de son propre chef.
    Cela lui semblait parfaitement approprié.
     
    Le lendemain, en fin de matinée, Baudouin de Hainaut demanda une audience particulière au roi et l'obtint : Philippe ne refusait jamais de s'entretenir seul à seul avec les grands ; c'était l'occasion de les entendre parler franc, de juger leurs propos sans être influencé par une tierce personne – et il avait le plus grand besoin de juger ceux de son beau-père.
    Baudouin, lors de la réunion des barons, n'avait pas été le moins surpris d'entendre annoncer la disgrâce de sa fille. Tenu depuis des mois à l'écart des conseils, il n'avait pas vu venir le coup.
    Le désarroi inscrit sur son visage réjouissait le souverain autant que l'attristait le chagrin de sa jeune épouse – qu'il savait irréprochable et pour laquelle il éprouvait de l'affection, quoiqu'il ne pût s'empêcher, chaque fois qu'il la voyait, de songer avec colère aux difficultés que lui créait sa famille. Ce n'était pas sans scrupule qu'il s'était décidé à la sacrifier, suivant en cela le conseil de sa mère et de son oncle Guillaume.
    Baudouin, lui, n'avait que ce qu'il méritait.
    Les prédictions d'Henri II ne s'étaient pas entièrement réalisées. Malgré le providentiel décès du comte de Troyes, dont l'héritier était trop jeune pour constituer un danger, les turbulences champenoises ne s'étaient apaisées qu'après une nouvelle défaite armée d’Étienne de Sancerre. Ce dernier se l'était alors tenu pour dit, tandis qu'Adèle, Thibaut de Blois et Guillaume aux Blanches Mains cessaient une fois pour toutes de s'opposer au roi et reprenaient leur place auprès de lui. L'archevêque, surtout, constituait un précieux auxiliaire qui avait su au fil des mois se rendre indispensable. Depuis la mort de Robert Clément et la défection de Philippe d'Alsace, sa voix était la plus écoutée au conseil, avec celle du connétable de Clermont.
    Nonobstant sa haute opinion du jugement de Guillaume, le souverain n'oubliait pas que ce dernier restait avant tout un Champenois, qu'il lui arrivait de prêcher pour sa paroisse plutôt que pour la France. Or, écarter le Hainaut de la cour, ce serait y rétablir la toute-puissance de la Champagne, comme aux derniers mois du règne de Louis VII.
    C'était hélas inévitable – à moins que l'entrevue qui débutait ne modifiât la situation.
    — Vous avez désiré me parler, seigneur comte, commença

Weitere Kostenlose Bücher