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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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Philippe. Eh bien, je vous en prie : parlez. Qu'y a-t-il donc de si urgent ?
    — Vous vous doutez bien de ce qui motive ma démarche, sire : ma fille.
    Baudouin, encore jeune, s'empâtait. Ses bajoues précoces, ses yeux cernés dénonçant une nuit sans sommeil, et son teint blême lui donnaient presque l'air d'un vieillard.
    — Eh bien, quoi, votre fille ? feignit de ne pas comprendre le roi. Je n'ai rien à lui reprocher, croyez-le bien, sinon de ne pas m'avoir donné d'héritier.
    — Elle est si jeune, sire ! Je vous supplie d'avoir confiance en elle et en l'avenir.
    Les yeux de Philippe s'étrécirent.
    — J'ai mis ma confiance en elle, naguère, comme en d'autres membres de sa famille… Votre maison a toujours pu compter sur mon soutien. J'eusse aimé pouvoir compter sur le sien.
    C'était la Flandre, bien sûr, qu'il fallait blâmer. Mécontent qu'on se fût entendu avec Henri Plantagenêt sans le consulter, vexé que l'influence champenoise rétablie lui arrachât la quasi-régence dont il rêvait, et furieux d'avoir marié sa nièce à un hypocrite n'ayant pas même la reconnaissance du ventre, le comte avait multiplié les provocations, n'hésitant pas à violer le droit féodal dans des affaires de succession, jusqu'à ce que la mésentente se muât en conflit ouvert. Les combats, entrecoupés de trêves plus ou moins longues, n'avaient toutefois été couronnés d'aucun résultat décisif.
    Baudouin eut une moue prouvant qu'il comprenait fort bien le véritable enjeu de l'affaire. Quelques années plus tôt, il avait cru pouvoir manipuler un roi aux épaules trop étroites pour sa charge, mais lesdites épaules s'étaient vite élargies – et le Hennuyer, parmi les prétendants au pouvoir en sous-main, n'avait pas été le dernier à s'en rendre compte. Aujourd'hui, la nécessité de manœuvrer avec franchise ne lui échappait pas : en matière de duplicité, il avait trouvé son maître.
    — Je n'ai jamais tiré les armes contre vous, sire, tenta-t-il de protester.
    — Sans doute n'avons-nous pas les mêmes souvenirs.
    — Jamais l'armée du Hainaut n'a affronté l'armée de France, insista Baudouin. La seule fois où cela aurait pu se produire, à Dammartin, j'ai prétexté la première averse pour déclarer le temps impropre à la bataille et m'en retourner sur mes terres. Ce qui vous a d'ailleurs assuré la victoire.
    À ces derniers mots, il surprit un flamboiement de colère dans le regard de Philippe et comprit qu'il avait commis une erreur : les monarques n'apprécient guère qu'on leur rappelle leurs dettes. De fait, ce fut d'un ton glacial qu'il s'entendit répondre :
    — Même si vous m'avez permis de vaincre, ce qui reste à prouver, je ne me serais jamais trouvé en position de subir une défaite sans la participation de vos troupes au début de la campagne. Je n'ai donc aucun merci à vous adresser. En outre, il vous est maintes fois arrivé de prêter assistance à mon parrain contre certains de mes plus fidèles vassaux. Donc contre moi.
    — Mais, sire, le comte de Flandre est mon…
    — Et moi, que suis-je donc ? coupa le roi. L'obéissance que vous me devez ne prime-t-elle pas celle qu'il exige de vous ?
    Baudouin baissa la tête, cherchant un argument à la fois diplomate et sans réplique. Il n'en trouva aucun.
    — Peut-être me suis-je mal conduit à votre égard, admit-il, piteux. Mais Isabelle, sire ! Isabelle n'en est pas responsable.
    — Ai-je dit qu'elle l'était ? Vous concevez bien, cependant, que la reine des Français ne saurait être la fille d'un ennemi de la France. (Philippe eut un sourire méchant.) Surtout si, qui plus est, cette fille est stérile… (Il haussa les épaules.) Assez parlé de cela : ma décision est prise ; ce mariage sera annulé dans les plus brefs délais.
    Le Hennuyer releva les yeux, suppliant.
    — Même si je m'engage à ne plus accorder mon soutien militaire ou financier au comte de Flandre ? Il m'en coûtera de perdre son amitié, mais…
    — Je ne doute pas que vous soyez prêt à abandonner un allié condamné à la défaite depuis que l'empereur a refusé d'intervenir en sa faveur, mais votre neutralité ne me suffit pas, coupa à nouveau le roi. Seule, votre allégeance pleine et entière me complairait. Et bien entendu, vous ne me l'accorderez pas… (Il s'interrompit, tendant l'oreille, avant de reprendre sur un ton agacé :) Ah ça ! mais quel est donc ce vacarme ?
    La salle où conversaient

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