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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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scellé
auprès de Dieu, dit Marie.
    Guccio la prit dans ses bras et
voulut l’embrasser.
    — Non, pas ici, dit-elle avec
un accent de crainte, pas dans la chapelle.
    Ils regagnèrent la grand-salle où
une servante achevait de placer sur la table le lait et le pain du premier
repas. Guccio se mit dos à la cheminée jusqu’à ce que, la servante partie,
Marie vînt auprès de lui.
    Alors ils nouèrent leurs
mains ; Marie posa la tête sur l’épaule de Guccio, et elle demeura ainsi
un long moment à apprendre, à deviner ce corps d’homme, auquel il était décidé,
entre elle et Dieu, qu’elle appartiendrait.
    — Je vous aimerai toujours,
même si vous deviez ne plus m’aimer, dit-elle.
    Puis elle alla verser le lait chaud
dans les écuelles et y rompit le pain. Chacun de ses gestes était un geste
heureux.
    Quatre jours passèrent. Guccio
accompagna les frères à la chasse et n’y fut pas maladroit. Il fit au comptoir
de Neauphle plusieurs visites, afin de justifier son séjour. Une fois, il
rencontra le prévôt Portefruit qui le reconnut et le salua avec servilité. Ce
salut rassura Guccio. Si quelque mesure avait été décrétée contre les Lombards,
messire Portefruit n’eût pas usé de tant de politesse. « Et si c’est lui
qui doit un prochain jour venir m’arrêter, pensa Guccio, l’or que j’ai emporté
m’aidera bien à lui fourrer la paume. »
    Dame Eliabel, apparemment, ne
soupçonnait rien de l’aventure de sa fille avec le jeune Siennois. Guccio en
fut convaincu par une conversation qu’il surprit, un soir, entre la châtelaine
et son fils cadet. Guccio était dans sa chambre à l’étage ; dame Eliabel
et Pierre de Cressay parlaient auprès du feu, dans la grand-salle, et leurs
voix montaient par la cheminée.
    — Il est dommage en vérité que
Guccio ne soit point noble, disait Pierre. Il fournirait un bon époux à ma
sœur. Il est bien fait, instruit, et placé avantageusement dans le monde… Je me
demande si ce n’est point chose à considérer.
    Dame Eliabel prit fort mal la
suggestion.
    — Jamais ! s’écria-t-elle.
L’argent te fait perdre la tête, mon fils. Nous sommes pauvres présentement,
mais notre sang nous donne droit aux meilleures alliances, et je n’irai point
donner ma fille à un garçon de roture qui, par surcroît, n’est même pas de
France. Ce damoiseau, certes, est plaisant, mais qu’il ne s’avise point de
fleureter avec Marie. J’y mettrais bon ordre… Un Lombard ! D’ailleurs il
n’y songe. Si l’âge ne me rendait modeste, je t’avouerais qu’il a plus d’yeux
pour moi que pour elle, et que c’est la raison pour laquelle le voilà installé
ici comme un greffon sur l’arbre.
    Guccio, s’il sourit des illusions de
la châtelaine, fut blessé du mépris dans lequel elle tenait et sa naissance et
son métier. « Ces gens-là vous empruntent de quoi manger, ne vous payent
point ce qu’ils vous doivent, mais ils vous considèrent pour moins que leurs
manants. Et comment feriez-vous, bonne dame, sans les Lombards ? se disait
Guccio fort agacé. Eh bien ! Essayez donc de marier votre fille à un grand
seigneur et voyez comment elle acceptera. »
    Mais en même temps, il se sentait
assez fier d’avoir si bien séduit une fille de noblesse ; et ce fut ce
soir-là qu’il décida de l’épouser, en dépit de tous les obstacles qu’on
pourrait y mettre.
    Au repas qui suivit, il regardait
Marie en pensant : « Elle est à moi ; elle est à
moi ! » Tout dans ce visage, les beaux cils relevés, les lèvres
entrouvertes, tout semblait lui répondre : « Je suis à vous. »
Et Guccio se demandait : « Mais comment les autres ne voient-ils
pas ? »
    Le lendemain, Guccio reçut à
Neauphle un message de son oncle où celui-ci lui faisait savoir que le péril
était pour l’heure conjuré, et l’invitait à rentrer aussitôt.
    Le jeune homme dut donc annoncer
qu’une affaire importante le rappelait à Paris. Dame Eliabel, Pierre et Jean
montrèrent de vifs regrets. Marie ne dit rien et continua l’ouvrage de broderie
auquel elle était occupée. Mais, lorsqu’elle fut seule avec Guccio, elle laissa
paraître son angoisse. Était-il arrivé un malheur ? Guccio était-il
menacé ?
    Il la rassura. Au contraire, grâce à
lui, grâce à elle, les hommes qui voulaient la perte des financiers italiens
étaient vaincus.
    Alors Marie éclata en sanglots parce
que Guccio allait partir.
    — Vous me quittez, dit-elle,

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