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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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et
c’est comme si je mourais.
    — Je reviendrai, aussitôt que
je pourrai, dit Guccio.
    En même temps, il couvrait de
baisers le visage de Marie. Le salut des compagnies lombardes ne le réjouissait
qu’à moitié. Il eût voulu que le danger durât encore.
    — Je reviendrai, belle Marie,
répéta-t-il, je vous le jure, car je n’ai point au monde plus grand désir que
de vous.
    Et cette fois il était sincère. Il
était arrivé cherchant un refuge ; il repartait avec un amour au cœur.
    Comme son oncle, dans le message, ne
lui parlait point des documents cachés, Guccio feignit de comprendre qu’il
devait les laisser à Cressay. Il ménageait ainsi le prétexte à un retour.
     

VIII

LE RENDEZ-VOUS
DE PONT-SAINTE-MAXENCE
    Le 4 novembre, Philippe le Bel devait
chasser en forêt de Pont-Sainte-Maxence. Avec son premier chambellan, Hugues de
Bouville, son secrétaire Maillard et quelques familiers, il avait dormi au
château de Clermont, à deux lieues du rendez-vous.
    Le roi semblait détendu et de
meilleure humeur qu’on ne l’avait vu depuis longtemps. Les affaires du royaume
le laissaient en repos. Le prêt consenti par les Lombards avait remis le Trésor
à flot. L’hiver allait ramener au calme les seigneurs agités de Champagne ainsi
que les communaux de Flandre.
    La neige était tombée dans la nuit,
première neige de l’année, précoce, presque insolite ; le gel de l’aube
avait fixé cette poudre blanche sur les champs et les bois, transformant le
paysage en une immense étendue givrée, et inversant les couleurs du monde.
    Le souffle des hommes, des chiens et
des chevaux s’épanouissait dans l’air gelé en grosses fleurs cotonneuses.
    Lombard trottait derrière la monture
du roi. Bien que ce fût un chien à lièvre, il participait aussi aux courres de
cerf, travaillant à son compte, mais remettant souvent la meute sur la voie.
Les lévriers, s’ils sont appréciés pour leur œil et leur train, sont
généralement réputés pour ne sentir rien ; or celui-là avait du nez comme
un chien poitevin.
    Dans la clairière du rendez-vous, au
milieu des aboiements, des hennissements, des claquements de fouets, le roi
passa un bon moment à regarder sa magnifique meute, à demander des nouvelles
des lices qui avaient mis bas, et à parler à ses chiens.
    — Oh ! Mes valets !
Holà, mes beaux ! Haoh, haoh !
    Le maître des chasses vint lui faire
le rapport. On avait rembuché plusieurs cerfs, dont un grand dix-cors qui, au
dire des valets de limiers, portait ses douze andouillers, un dix-cors royal,
le plus noble animal de forêt qui se pût rencontrer. De surcroît, il semblait
que ce fût un de ces cerfs dits « pèlerins » qui vont, sans harde, de
forêt en forêt, plus forts et plus sauvages d’être seuls.
    — Qu’on l’attaque, dit le roi.
    Les chiens, découplés, furent
conduits à la brisée et mis à la voie ; les chasseurs s’égaillèrent vers
les points où le cerf pouvait sauter.
    — Taille-hors !
Taille-hors ! [30] entendit-on bientôt crier.
    Le cerf avait été aperçu ; la
forêt s’emplit de la voix des chiens, des appels de cors, et de grands fracas
de galopades et de branches rompues.
    D’ordinaire, les cerfs se font
chasser un certain temps autour de l’endroit où on les a levés, tournent en
forêt, rusent, brouillent leurs voies, cherchent un cerf plus jeune pour faire
change et tromper le nez des chiens, reviennent à l’enceinte d’attaque.
    Celui-ci surprit son monde et, sans
buissonner, courut droit vers le nord. Sentant le danger, il repartait
d’instinct vers la lointaine forêt des Ardennes d’où sans doute il venait.
    Il emmena ainsi la chasse une heure,
deux heures, sans trop se hâter, maintenant juste le train qu’il fallait pour
distancer les chiens. Puis quand il sentit que la meute commençait à fléchir,
il força brusquement son allure et disparut.
    Le roi, fort animé, coupa à travers
bois pour prendre les grands devants, gagner la lisière et attendre le cerf à
sa sortie en plaine.
    Or rien ne se perd plus vite qu’une
chasse. On se croit à cent toises des chiens et des autres veneurs qu’on entend
clairement ; et l’instant d’après on se trouve dans un silence total, une
solitude absolue, au milieu d’une cathédrale d’arbres, sans savoir où s’est
évanouie cette meute qui criait si fort, ni quelle fée, quel sortilège a effacé
vos compagnons.
    De plus, ce jour-là, l’air portait
mal les sons, et

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