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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Bourgogne.
    — Point de faiblesse,
Charles ! Point de pitié ! s’écria-t-elle. Imitez votre sœur Isabelle
qui ne peut comprendre les élans d’amour. Elle n’a que haine et fiel dans le
cœur. Sans elle, vous n’auriez jamais rien appris. Mais elle me hait, elle vous
hait, elle nous hait tous.
    Isabelle considéra Marguerite avec
une colère froide.
    — Dieu vous pardonne vos
crimes, dit-elle.
    — Il me pardonnera plus vite
mes crimes qu’il ne fera de toi une femme heureuse, lui lança Marguerite.
    — Je suis reine, répliqua
Isabelle. Si je n’ai pas le bonheur, au moins j’ai un sceptre et un royaume,
que je respecte.
    — Moi, si je n’ai pas eu le
bonheur, au moins j’ai eu le plaisir, qui vaut toutes les couronnes du monde,
et je ne regrette rien.
    Dressée en face de sa belle-sœur qui
portait diadème, Marguerite, le crâne dénudé, le visage ravagé par l’angoisse
et les larmes, trouvait encore la force d’insulter, de blesser, et de plaider
pour son corps.
    — Il y avait le printemps,
dit-elle d’une voix pressée, haletante, il y avait l’amour d’un homme, la
chaleur et la force d’un homme, la joie de prendre et d’être prise… tout ce que
tu ne connais pas, que tu crèves de connaître et que tu ne connaîtras jamais.
Ah ! tu ne dois guère être attirante au lit pour que ton mari préfère
chercher son plaisir auprès des garçons !
    Blême, mais incapable de répondre,
Isabelle fit un signe à Alain de Pareilles.
    — Non, cria Marguerite. Tu n’as
rien à dire à messire de Pareilles. Je l’ai déjà commandé, et je le commanderai
peut-être de nouveau quelque jour. Il souffrira bien encore une fois de partir
à mon ordre.
    Elle tourna le dos et indiqua d’un
signe au chef des archers qu’elle était prête. Les trois condamnées sortirent,
traversèrent sous escorte la cour de Maubuisson, et regagnèrent la chambre qui
leur servait de cellule.
    Quand Alain de Pareilles eut refermé
la porte sur elles, Marguerite courut au lit et s’y jeta en mordant les draps.
    — Mes cheveux, mes beaux
cheveux, sanglotait Blanche.
    Jeanne de Poitiers cherchait à se
rappeler l’aspect du donjon de Dourdan.
     

XI

LE SUPPLICE
    L’aube fut lente à venir pour ceux
qui avaient traversé la nuit sans repos, sans espérance et sans oubli.
    Couchés côte à côte sur une brassée
de paille, dans une cellule de la prévôté de Pontoise, les frères d’Aunay
attendaient la mort. Sur l’ordre du garde des Sceaux, ils avaient été
soignés ; ainsi leurs plaies ne saignaient plus, leur cœur battait mieux,
et dans leurs chairs écrasées il était revenu un peu de force afin qu’ils
pussent mieux éprouver les supplices auxquels ils étaient promis.
    À Maubuisson, ni les princesses
condamnées, ni leurs époux, ni Mahaut, ni le roi lui-même n’avaient pu trouver
le sommeil. Et Isabelle non plus n’avait dormi, obsédée par les paroles de
Marguerite.
    En revanche Robert d’Artois, après
ses vingt grandes lieues de chevauchée, s’était écroulé sans même ôter ses
bottes sur la première couche venue, dans le logis d’accueil. Lormet, un peu
avant prime, dut le secouer pour qu’il ne manquât pas le plaisir d’assister au
départ de ses victimes.
    Dans la cour de l’abbaye, trois
grands chariots bâchés de noir venaient de se ranger, et messire Alain de
Pareilles faisait aligner, sous la clarté rose du petit matin, les soixante
cavaliers en gambison de cuir, cotte de mailles et chapeau de fer, qui
formeraient l’escorte du convoi, vers Dourdan d’abord, puis la Normandie.
    Derrière l’une des fenêtres du
château, la comtesse Mahaut regardait, le front appuyé au vitrail, et ses
larges épaules secouées de soubresauts.
    — Pleurez-vous… Madame ?…
demanda Béatrice d’Hirson, de sa voix traînante.
    — Cela peut m’arriver aussi,
répondit rudement Mahaut.
    Puis, comme Béatrice était déjà tout
habillée, robe, coiffe et chape, elle ajouta :
    — Sors-tu donc ?
    — Oui, Madame ; je vais
voir le supplice… si vous le permettez…
    La place du Martroy, à Pontoise, où
allait avoir lieu l’exécution des frères d’Aunay, était emplie par la foule
lorsque Béatrice y arriva. Bourgeois, paysans et soldats y affluaient depuis
l’aube. Les propriétaires des maisons qui donnaient sur la place avaient loué à
bon prix leurs fenêtres de façade, où les têtes se pressaient sur plusieurs
rangs.
    Les crieurs publics, la

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