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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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sommes
plus à le partager. » Il fallait donc semer davantage ; et pour
semer, il fallait la tranquillité de l’État, l’obéissance aux ordonnances, la
participation de chaque région à la prospérité de tous.
    Or qui menaçait la paix ? La
Flandre. Qui refusait de contribuer au bien général ? La Flandre. Qui
gardait ses blés et ses draps, préférant les vendre à l’étranger plutôt que de
les diriger vers l’intérieur du royaume où sévissait la pénurie ? La
Flandre. En refusant d’acquitter les tailles et droits de
« traites », les villes flamandes aggravaient forcément la proportion
des charges, pour les autres sujets du roi. La Flandre devait céder ; on
l’y contraindrait par la force. Mais pour cela, il fallait des subsides ;
toutes les villes, ici représentées par leurs bourgeois, devaient donc, dans
leur propre intérêt, accepter une levée exceptionnelle d’impôts.
    — Ainsi se feront voir, acheva
Marigny, ceux qui donneront aide à aller contre les Flamands.
    Une rumeur s’éleva, bientôt dominée
par la voix d’Étienne Barbette.
    Barbette, maître de la Monnaie de
Paris, échevin, prévôt des marchands, et fort riche d’un commerce de toiles et
de chevaux, était l’allié de Marigny. Son intervention avait été préparée. Au
nom de la première ville du royaume, Barbette promit l’aide requise. Il
entraîna l’assistance, et les députés de quarante-trois « bonnes
villes » acclamèrent d’une même voix le roi, Marigny, et Barbette.
    Si l’Assemblée avait été une
victoire, les résultats financiers se montrèrent assez décevants. L’armée fut
mise sur pied avant que la subvention ait été recouvrée.
    Le roi et son coadjuteur
souhaitaient faire une démonstration rapide d’autorité plutôt que conduire une
vraie guerre. L’expédition fut une imposante promenade militaire. Marigny, à
peine les troupes en marche, fit connaître à l’adversaire qu’il était prêt à
négocier, et se hâta de conclure, les premiers jours de septembre, la
convention de Marquette.
    Mais aussitôt l’armée partie, Louis
de Nevers, fils de Robert de Béthune, comte de Flandre, dénonça la convention.
Pour Marigny, c’était l’échec. Valois, qui en venait à se réjouir d’une défaite
pour le royaume si cette défaite nuisait au coadjuteur, accusait ce dernier,
publiquement, de s’être laissé acheter par les Flamands.
    La note de la campagne demeurait à
payer ; et les officiers royaux continuaient donc de percevoir, à
grand-peine et au vif mécontentement des provinces, l’aide exceptionnelle
consentie pour une entreprise déjà close, et par l’insuccès.
    Le Trésor s’épuisait et Marigny
devait envisager de nouveaux expédients.
    Les Juifs avaient été spoliés par
deux fois ; les tondre à nouveau donnerait peu de laine. Les Templiers
n’existaient plus, et leur or était depuis longtemps fondu. Restaient les
Lombards.
    Déjà, en 1311, on les avait décrétés
d’expulsion, sans intention véritable d’exécuter l’ordonnance, mais pour les
obliger de racheter, fort cher, leur droit de séjour. Cette fois, il ne pouvait
s’agir de rachat ; c’était la saisie de tous leurs biens, et leur renvoi
de France, que Marigny méditait. Le trafic qu’ils maintenaient avec la Flandre,
au mépris des instructions royales, et l’appui financier qu’ils apportaient aux
ligues seigneuriales, justifiaient la mesure en préparation.
    Mais le morceau était de taille. Les
banquiers et négociants italiens, bourgeois du roi, avaient réussi à très
solidement s’organiser, en « compagnies », avec à leur tête un
« capitaine général » élu. Ils contrôlaient le commerce vers
l’étranger et régnaient sur le crédit. Les transports, le courrier privé et même
certains recouvrements d’impôts passaient par leurs mains. Ils prêtaient aux
barons, aux villes, aux rois. Ils faisaient même l’aumône, lorsqu’il le
fallait.
    Aussi Marigny passa-t-il plusieurs
semaines à mettre au point son projet. Il était homme tenace, et la nécessité
l’aiguillonnait.
    Mais Nogaret n’était plus là.
D’autre part, les Lombards de Paris, gens bien informés et instruits par
l’expérience, payaient cher les secrets du pouvoir.
    Tolomei, de son seul œil ouvert,
veillait.
     

V

L’ARGENT ET LE POUVOIR
    Un soir de la mi-octobre, une
trentaine d’hommes tenaient réunion, toutes portes closes, chez messer Spinello
Tolomei.
    Le plus

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