Le Roi de l'hiver
charmes l’église de fortune. « Gorfyddyd n’est pas vraiment convaincu
que nous voulions la paix, nous prévint Arthur la deuxième nuit, mais Cuneglas
l’a persuadé. Alors, par la grâce de Dieu, restons sobres, laissons nos épées
aux fourreaux et évitons la bagarre. Une seule étincelle ici, et Gorfyddyd nous
chassera pour reprendre la guerre. »
Le quatrième
jour, le conseil du Powys se réunit dans la grande salle. La paix était la
principale affaire inscrite à l’ordre du jour et, malgré les réserves de
Gorfyddyd, les choses furent réglées rapidement. Avachi sur son siège, le roi
du Powys regarda son fils faire la proclamation. Le Powys, le Gwent et la
Dumnonie, dit Cuneglas, seraient alliés, le sang de l’un serait le sang de
l’autre, et toute attaque contre l’un des trois serait reçue comme une attaque
contre les autres. Gorfyddyd hocha la tête, quoique sans enthousiasme. Mieux
encore, poursuivit Cuneglas, sitôt prononcé son mariage avec Helledd d’Elmet,
Elmet rejoindrait à son tour le pacte, en sorte que les Saxons seraient cernés
par un front uni de royaumes bretons. Cette alliance était le grand avantage
que Gorfyddyd retirait de la paix avec la Dumnonie : l’occasion de faire
la guerre aux Saxons, et il y avait consenti à condition que la direction des
opérations lui revînt. « Il désire être Grand Roi », grommela Agravain
au fond de la salle. Gorfyddyd exigeait aussi le rétablissement de son cousin,
Gundleus de Silurie. Tewdric, qui avait plus qu’aucun autre souffert des raids
siluriens, rechignait à remettre Gundleus sur son trône et nous, les
Dumnoniens, nous n’étions guère prêts à lui pardonner le meurtre de Norwenna.
Pour ma part, je haïssais l’homme pour ce qu’il avait fait subir à Nimue, mais
Arthur nous avait persuadés que la liberté de Gundleus était un prix assez
modeste à payer pour obtenir la paix, et le félon fut donc dûment restauré.
Sans doute
Gorfyddyd avait-il semblé réticent à conclure le traité, mais il avait dû se
laisser persuader de ses avantages, car il se montra disposé à payer au prix
fort cet heureux dénouement. Il consentait à donner sa fille Ceinwyn, l’étoile
du Powys, en mariage à Arthur. Froid, soupçonneux et rude, il n’en aimait pas
moins sa fille de dix-sept ans et il la comblait de tout ce que son âme
recelait encore d’affection et de tendresse. Qu’il consentît à la donner à
Arthur, qui n’était pas roi et qui n’avait pas même le titre de prince, était
la preuve qu’il en était bien convaincu : ses guerriers ne devaient plus
combattre leurs frères bretons. Les fiançailles étaient aussi la preuve que
Gorfyddyd, comme son fils Cuneglas, reconnaissait en Arthur le vrai chef de la
Dumnonie, tant et si bien que, lors du banquet qui suivit le conseil, Ceinwyn
et Arthur furent officiellement fiancés.
La cérémonie
fut jugée suffisamment importante pour que toute l’assemblée se déplaçât vers
la salle des fêtes plus accueillante, au sommet de Caer Dolforwyn, qui devait
son nom à la prairie qui s’étendait à ses pieds, la Prairie des Vierges. Nous
arrivâmes au crépuscule, alors que le sommet était enfumé par les grands feux
dressés pour rôtir le cerf et le cochon. En contrebas, au loin, le Severn
argenté serpentait dans sa vallée tandis qu’au nord les grandes chaînes de
collines s’étendaient en direction de Gwynedd qui se perdait dans l’obscurité.
On disait que par beau temps on pouvait apercevoir Caer Idris depuis le sommet
de Caer Dolforwyn, mais ce soir-là l’horizon était brouillé par la pluie. Les
contreforts étaient recouverts de grands chênes d’où surgirent un couple de
milans rouges, alors que le soleil donnait aux nuages une couleur écarlate.
Chacun convint que la vue des deux oiseaux volant si tard en fin de journée
augurait fort bien de ce qui allait suivre. Dans la salle, les bardes
chantaient l’histoire d’Hafren, de la vierge qui avait donné son nom à
Dolforwyn et qui s’était métamorphosée en Déesse lorsque sa marâtre avait
essayé de la noyer dans la rivière au pied de la colline. Ils chantèrent
jusqu’au coucher du soleil.
Les
fiançailles furent célébrées de nuit afin que la Déesse Lune bénît le couple. Arthur
s’y prépara le premier, quittant la salle une bonne heure avant de revenir dans
toute sa splendeur. Même les guerriers endurcis en restèrent bouche bée
lorsqu’il rentra dans la
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