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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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conversation.
Ils bavardèrent toute la nuit, et peut-être ne firent-ils pas que parler, je ne
saurais le dire, mais en tout cas ils parlèrent, et cela je le sais parce que
j’étais posté dehors et que je n’ai guère pu m’empêcher de tendre l’oreille.
Tantôt, leur voix était trop basse pour que je pusse les entendre, mais
d’autres fois, j’entendais Arthur expliquer et persuader, tour à tour suppliant
et pressant. Ils ont dû parler d’amour, mais je ne l’ai pas entendu ; en
revanche, j’ai entendu Arthur parler de la Bretagne et du rêve qui l’avait fait
revenir d’Armorique. Il parla des Saxons comme d’un fléau dont il fallait se
débarrasser si l’on voulait que le pays fût un jour heureux. Il parla de la
guerre et de la joie terrible qu’il avait à entraîner un cheval caparaçonné
dans la bataille. Il parlait comme il m’avait parlé sur les remparts verglacés
de Caer Cadarn, décrivant un pays en paix, où les petits gens ne craignaient
pas l’irruption des lanciers au petit matin. Il s’exprimait fougueusement, d’un
ton pressant, et Guenièvre l’écoutait de bon cœur et lui assurait que son rêve
était inspiré. Arthur filait un avenir à partir de son rêve, et Guenièvre était
au cœur de ce fil. Pauvre Ceinwyn ! Elle n’avait que sa beauté et sa jeunesse,
tandis que Guenièvre voyait la solitude dans l’âme d’Arthur et promettait de la
guérir. Elle se retira avant le point du jour, silhouette noire se faufilant à
travers Caer Cadarn avec un croissant de lune piégé dans sa chevelure
entremêlée.
    Le lendemain,
assailli de remords, Arthur se promena avec Ceinwyn et son frère. Ce jour-là,
Guenièvre portait un nouveau torque d’or massif et certains d’entre nous eurent
un pincement de cœur pour Ceinwyn, mais Ceinwyn était une enfant quand
Guenièvre était une femme, et Arthur était désemparé.
    C’était une
folie que cet amour. Une folie qui valait bien celle de Pellinore. Une folie
qui suffisait à vouer Arthur à l’Ile des Morts. Plus rien n’existait pour
Arthur : la Bretagne, les Saxons, la nouvelle alliance, l’équilibre de la
paix pour laquelle il avait ouvré sans relâche, patiemment, depuis qu’il avait
quitté l’Armorique, voici que tout était emporté dans un tourbillon pour la
possession de cette princesse aux cheveux roux, sans le sou et sans terre. Il
savait ce qu’il faisait, mais il ne pouvait pas plus s’arrêter qu’il ne pouvait
arrêter la course du soleil. Il était possédé, il pensait à elle, il parlait
d’elle, il rêvait d’elle, il ne pouvait vivre sans elle, même si, non sans
angoisse, il s’efforçait de sauver les apparences en réglant les préparatifs du
mariage. Pour marquer la contribution de Tewdric au traité de paix, le mariage
serait célébré à Glevum, où Arthur se rendrait le premier afin de mettre la
dernière main aux festivités. Les noces attendraient que la lune fût dans son
croissant. Elle était maintenant à son décours et l’on ne pouvait prendre le
risque d’un mariage sous d’aussi mauvais augures, mais d’ici quinze jours les
augures seraient bons et Ceinwyn descendrait dans le sud, la chevelure fleurie.
    Mais c’est les
cheveux de Guenièvre qu’Arthur portait autour du cou. Une fine tresse de
cheveux roux qu’il dissimulait sous son col, mais que j’aperçus un matin que je
lui portais de l’eau. Torse nu, il aiguisait son couteau à barbe sur une
pierre. Voyant que j’avais remarqué la mèche, il haussa les épaules. « Tu
crois que les cheveux roux portent la poisse, Derfel ? demanda-t-il,
voyant que je faisais la moue.
    — Tout le
monde le dit, Seigneur.
    — Mais
tout le monde a-t-il raison ? demanda-t-il au miroir de bronze. Pour
tremper la lame d’une épée, Derfel, on ne la plonge pas dans l’eau, mais dans
l’urine d’un rouquin. Cela doit porter chance, n’est-ce pas ? Et si les
cheveux roux portent malheur ? » Il s’arrêta, cracha sur la pierre et
affûta la lame de son couteau. « Notre tâche, Derfel, est de changer les
choses, non de les laisser en l’état. Pourquoi ne pas faire des cheveux roux un
porte-bonheur ?
    — Tu peux
faire n’importe quoi, Seigneur », répondis-je, fidèle et malheureux à la
fois.
    Il soupira.
« J’espère que c’est vrai, Derfel, j’espère vraiment que c’est
vrai. » Il scruta le miroir de bronze puis tressaillit en posant le
couteau sur sa joue. « La paix vaut plus qu’un

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