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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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mariage, Derfel ! Il
le faut ! On ne fait pas la guerre pour une épouse. Si la paix est tellement
souhaitable, et elle l’est, on n’y renonce pas parce qu’un mariage ne se fait
pas, pas vrai ?
    — Je n’en
sais rien, Seigneur. » La seule chose que je savais, c’était que mon
seigneur répétait ses arguments dans sa tête, qu’il les ressassait jusqu’à s’en
convaincre. Il était fou d’amour, si fou que le nord devenait le sud et que la
chaleur se confondait avec le froid. Pour moi, c’était un Arthur que je n’avais
encore jamais vu ; un homme de passion, et, j’ose le dire, d’égoïsme.
Arthur avait connu une ascension si rapide. Il est vrai qu’il était né avec du
sang royal dans les veines, mais il n’avait pas reçu son patrimoine et il
considérait qu’il ne devait ses réalisations qu’à lui seul. Il en était fier
et, du coup, il se croyait plus malin que tout le monde, excepté Merlin
peut-être, et, parce que souvent cette certitude répondait aux vœux mal définis
des autres, ses ambitions égoïstes étaient généralement jugées nobles et
clairvoyantes. Mais à Caer Sws, les ambitions se heurtaient au vouloir des autres.
    Je le laissai
se raser et sortis au soleil où Agravain affûtait une lance à sanglier.
« Eh bien ?
    — Il ne
va pas épouser Ceinwyn. » Nous étions hors de portée de la salle, mais
même si nous avions été plus près Arthur n’aurait pu nous entendre. Il chantait.
    Agravain
cracha. « Il épousera celle qu’on lui dit d’épouser », conclut-il
avant d’enfoncer la lance dans la terre et de rejoindre les appartements de
Tewdric.
    Gorfyddyd et Cuneglas
savaient-ils ce qui se tramait, je ne saurais le dire, car ils n’étaient pas
autant que nous dans l’intimité d’Arthur. S’il avait des soupçons, Gorfyddyd
pensait probablement que ça n’avait pas d’importance. Il croyait sans doute, si
tant est qu’il crût quelque chose, qu’Arthur prendrait Guenièvre pour maîtresse
et Ceinwyn pour épouse. Naturellement, ce n’était pas des manières  –
faire ce type d’arrangement la semaine de ses fiançailles  –, mais
Gorfyddyd de Powys ne s’était jamais embarrassé de bonnes manières. Lui-même
n’avait aucun savoir-vivre, et il savait, comme tous les rois, que l’on choisit
une femme pour la dynastie et des maîtresses pour le plaisir. Son épouse était
morte depuis longtemps, mais les esclaves se succédaient pour lui tenir chaud
dans son lit et, de son point de vue, Guenièvre n’était qu’une femme
désargentée : elle ne serait jamais beaucoup plus qu’une esclave et elle
ne constituait donc pas une menace pour sa fille chérie. Cuneglas était plus
perspicace et il dut flairer le trouble, j’en suis sûr, mais il avait mis toute
son énergie dans le traité de paix, et il avait dû espérer que l’obsession
d’Arthur durerait ce que dure une bourrasque en été. Ou peut-être ni Gorfyddyd
ni Cuneglas ne soupçonnèrent-ils quoi que ce soit, car assurément ils
n’éloignèrent point Guenièvre de Caer Sws  – mais les Dieux seuls savent
si cela aurait servi à quelque chose. Agravain pensait que la folie passerait
sans doute. Il me confia qu’Arthur avait déjà eu pareil coup de foudre.
« Avec une fille d’Ynys Trebes. Impossible de me rappeler son nom.
Mella ? Messa ? Quelque chose comme ça. Une jolie petite. Arthur en
était entiché et se traînait à ses basques comme un chien derrière un
corbillard. Mais vois-tu, il était jeune alors, si jeune que son père à elle se
dit qu’il ne ferait jamais rien de bon et qu’il envoya sa Mella-Messa de fille
en Brocéliande et la maria à un magistrat de cinquante ans plus vieux qu’elle.
Elle mourut en couches, mais Arthur l’avait alors oubliée. Ce sont des choses
qui passent, Derfel. Tewdric va lui remettre la cervelle à l’endroit, tu vas
voir. »
    Tewdric passa
toute la matinée enfermé avec Arthur, et je me dis qu’il avait peut-être réussi
à lui remettre les idées en place, car mon seigneur parut calmé le reste de la
journée. Pas une seule fois il ne regarda Guenièvre, mais il s’obligea au
contraire à entourer Ceinwyn de ses attentions, et cette nuit-là, peut-être
pour faire plaisir à Tewdric, sa promise et lui allèrent écouter Sansum prêcher
dans la petite église de fortune. Je pensai qu’Arthur avait dû être satisfait
du sermon du Seigneur des Souris car, ensuite, il invita le prêtre chez lui

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