Le Roi de l'hiver
vous
voilà marié, Seigneur. »
Guenièvre rit.
Arthur l’embrassa. Elle était aussi grande que lui, d’un doigt plus grande
peut-être, et j’avoue qu’en les regardant je trouvais qu’ils formaient un
couple magnifique. Plus que splendide, car Guenièvre était vraiment marquante.
Ceinwyn pâlissait, mais le soleil pâlissait en présence de Guenièvre. Nous les
gardes, nous étions en état de choc. Nous n’avions rien pu faire pour empêcher
notre seigneur d’aller jusqu’au bout de sa folie, mais cette hâte semblait
aussi indécente que trompeuse. Arthur, nous le savions, était un homme
d’impulsion et d’enthousiasme, mais il nous avait laissés interloqués par sa
précipitation. Leodegan, cependant, jubilait et babillait, expliquant à sa
cadette que les finances familiales allaient maintenant se rétablir et que,
plus vite qu’on ne l’imaginait, les guerriers d’Arthur allaient bouter l’usurpateur
irlandais hors de Henis Wyren. Surprenant la vantardise, Arthur se retourna
brusquement : « Je ne crois pas que ce soit possible, Père.
— Possible !
Bien sûr que si,
c’est possible ! intervint Guenièvre. Tu feras du
retour du royaume de mon père chéri mon cadeau de noces. »
Agravain
cracha en signe de désapprobation. Guenièvre fit celle qui n’avait rien vu et
se dirigea plutôt vers les gardes alignés pour nous donner à chacun l’une des
primevères du diadème dont elle était couronnée. Puis, comme des criminels
fuyant la justice d’un seigneur, nous repartîmes en hâte vers le sud pour
quitter le royaume du Powys avant que ne s’abatte le châtiment de Gorfyddyd.
Le destin,
disait toujours Merlin, est inexorable. Bien des choses découlèrent de cette
cérémonie bâclée dans une clairière parsemée de fleurs au bord d’un ruisseau.
Beaucoup ont trouvé la mort. Il y eut tant de chagrin, tant de sang, tant de
larmes qu’elles formeraient un fleuve ; pourtant, avec le temps, les
remous s’apaisèrent, de nouvelles rivières se rejoignirent et les larmes se
perdirent dans l’océan, et d’aucuns oublièrent comment tout avait commencé.
L’heure de gloire arriva, qui aurait bien pu ne jamais venir, et de tous ceux
qui furent meurtris par cette heure, c’est Arthur qui le fut le plus
profondément.
Mais, ce
jour-là, il était heureux. Nous rentrâmes au pas de course.
*
La nouvelle du
mariage résonna en Bretagne comme la lance d’un Dieu frappant un bouclier. Au
départ, le fracas étourdit et, en cette période calme, alors que les hommes
tâchaient d’en mesurer les conséquences, une délégation arriva du Powys. Au
nombre des ambassadeurs se trouvait Valerin, le chef qui avait été fiancé à
Guenièvre. Il défia Arthur de se battre, mais Arthur refusa, et lorsque Valerin
voulut dégainer, c’est nous, les gardes, qui nous chargeâmes de le raccompagner
hors de Lindinis. Valerin était un homme grand et vigoureux avec des cheveux
noirs et une barbe noire, des yeux enfoncés et un nez cassé. Sa douleur fut
terrible, sa colère pire encore, et sa tentative de vengeance déjouée.
C’est Iorweth,
le druide, qui conduisait la délégation du Powys, dépêchée par Cuneglas plutôt
que par son père. Gorfyddyd était ivre de rage et d’hydromel, tandis que son
père espérait encore qu’il y eût une chance de sauver la paix de la
catastrophe. Homme grave et sensé, Iorweth eut une longue discussion avec
Arthur. Le mariage, expliqua le druide, n’était pas valable parce qu’il avait
été célébré par un prêtre chrétien et que les Dieux de Bretagne ne reconnaissaient
pas la nouvelle religion. « Prends Guenièvre pour maîtresse, supplia-t-il
Arthur, et Ceinwyn pour épouse.
— Guenièvre
est ma femme », hurla Arthur.
Mgr Bedwin
vint à la rescousse du druide, mais il ne put le faire changer d’avis. La
perspective d’une guerre ne suffirait même pas à l’ébranler. Iorweth en évoqua
la possibilité, affirmant que la Dumnonie avait fait un affront au Powys et
qu’il faudrait la laver dans le sang si Arthur ne revenait pas sur sa décision.
Tewdric de Gwent avait dépêché l’évêque Conrad plaider la cause de la paix,
implorant Arthur de renoncer à Guenièvre pour épouser Ceinwyn, et Conrad
brandit même la menace d’un traité de paix séparé entre Tewdric et le Powys.
« Mon Seigneur Roi ne combattra point contre la Dumnonie, s’empressa
d’ajouter Conrad pour rassurer
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