Le Roi de l'hiver
étaient entrecroisés de cuir et il chaussait d’énormes bottes
cloutées. Arthur s’assit sur une pierre et retira les siennes, préférant
combattre pieds nus.
« Ce
n’est pas nécessaire, lui dit Tristan.
— Ça l’est
absolument, fit Arthur qui se leva et retira Excalibur de son fourreau.
— Tu te
sers de ton épée magique, Arthur ? railla Owain. T’as peur de te battre
avec une arme mortelle, hein ? »
Arthur remit
Excalibur dans son fourreau et la déposa sur son manteau.
« Derfel,
demanda-t-il en se tournant vers moi, est-ce l’épée d’Hywel ?
— Oui,
Seigneur.
— Voudrais-tu
me la prêter ? Je promets de la rendre.
— Sauve
ta vie pour tenir ta promesse, Seigneur. » Sur ce, je retirai Hywelbane de
son fourreau et la lui tendis par la garde. Il empoigna l’épée, puis me pria de
courir à la salle chercher une poignée de sable cendreux, dont il frotta
ensuite le cuir huilé de la garde. Il se tourna alors vers Owain.
« Si le
seigneur Owain, proposa-t-il courtoisement, désire combattre une fois qu’il se
sera reposé, je puis attendre.
— Dameret !
cracha Owain. T’es sûr que tu veux pas mettre ton armure de poisson ?
— Elle
rouille sous la pluie, répondit Arthur calmement.
— Un
soldat de beau temps », le nargua Owain, avant de faire siffler son épée
en donnant deux grands coups en l’air. Dans la ligne de boucliers, il préférait
se battre avec une épée courte, mais quelle que fût la longueur de sa lame,
Owain était un homme redoutable. « J’suis prêt, freluquet. »
Je me trouvais
avec Tristan et ses gardes lorsque Bedwin fit, en vain, un dernier effort pour
arrêter le combat. Nul ne doutait de l’issue. Arthur était grand, mais fluet en
comparaison de la masse musculaire d’Owain et nul n’avait jamais vu Owain
succomber. Reste qu’Arthur semblait étonnamment maître de lui lorsqu’il prit
place du côté ouest du cercle, face à Owain, campé plus à l’est.
« Vous en
remettez-vous à la cour des épées ? » demanda Bedwin aux deux hommes.
Tous deux firent signe que oui.
« Alors
Dieu vous bénisse et Dieu donne la vraie victoire. » Bedwin fit un signe
de croix puis, d’un air abattu, sortit du cercle.
Comme nous
l’attendions, Owain se rua sur Arthur, mais à mi-chemin, juste à côté de la
Pierre royale, son pied glissa dans la boue. Soudain, Arthur chargeait. J’avais
imaginé qu’Arthur se battrait calmement, mettant à profit les leçons d’Hywel,
mais ce matin-là, alors qu’une pluie battante tombait des cieux hivernaux, je
vis à quel point il se métamorphosait dans la bataille. Un vrai diable !
Toute son énergie était concentrée sur une seule chose, la mort, et il assena à
Owain des coups puissants et rapides qui firent reculer le géant. Les épées
s’entrechoquaient rudement. Arthur crachait sur Owain, le maudissant,
l’accablant de sarcasmes, l’entaillant tant et plus du tranchant de son épée,
sans jamais lui laisser à la moindre chance de se remettre d’une parade.
Owain se
battit bien. Aucun autre homme n’aurait pu soutenir ce premier assaut
meurtrier. Ses bottes glissaient dans la boue, et plus d’une fois il lui fallut
parer les attaques d’Arthur à genoux, mais il parvint toujours à se redresser
quand bien même il était forcé de reculer. Lorsque Owain glissa une quatrième
fois, je compris en partie d’où venait l’assurance d’Arthur. Il avait souhaité
se battre sous la pluie, sur un terrain glissant, et il savait, je crois,
qu’Owain serait congestionné et fatigué par ses ripailles nocturnes. Il ne
parvenait pourtant à enfoncer cette garde obstinée, même s’il contraignit le
champion à se rabattre sur l’endroit où le sang de Wlenca formait encore une
tache plus sombre dans la gadoue.
Et là, foi de
Saxon, la chance tourna. Arthur glissa. Il se rétablit, mais son hésitation
offrit à Owain l’ouverture dont il avait besoin. Il allongea une botte. Arthur
para, mais l’épée du géant transperça le pourpoint de cuir, faisant jaillir de
la poitrine d’Arthur le premier filet de sang. Arthur para, parant encore,
cette fois obligé de reculer devant les bottes rapides et vives qui eussent
percé le cœur d’un bœuf. Les hommes d’Owain vociféraient pour soutenir leur
champion qui, flairant la victoire, voulut se lancer de tout son poids afin
d’entraîner son adversaire plus léger dans la boue. Mais Arthur avait deviné la
manœuvre et
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