Le Roman d'Alexandre le Grand
silence.
38
Le fuyard courait à perdre haleine vers un bosquet où l’attendaient
d’autres hommes, sans doute ses complices, qui s’enfuirent dès qu’ils
aperçurent leurs poursuivants.
Demeuré seul, l’homme se retourna et
comprit qu’on le traquait. Alexandre d’Épire avait jeté son manteau et se
précipitait sur ses traces, l’épée au poing, en hurlant :
« Capturez-le vivant ! Capturez-le vivant ! »
L’homme accéléra sa course autant
qu’il le pouvait et tenta de sauter sur le dos d’un cheval qui se trouvait là,
mais il trébucha sur les racines d’une vigne et s’écroula. Quand il se releva,
les gardes étaient déjà sur lui. Ils le transpercèrent de part en part une
dizaine de fois, le tuant sur le coup.
Ce geste remplit de rage le roi
d’Épire, qui se mit à crier : « Espèces d’idiots ! Je vous avais
dit de le capturer vivant !
— Mais, sire, il était armé et
il a tenté de nous frapper.
— Poursuivez les autres !
ordonna alors le souverain. Poursuivez les autres, au moins, et
attrapez-les ! »
Alexandre arriva sur ces
entrefaites, les vêtements encore tachés du sang de Philippe. Après avoir
examiné l’assassin, il dit au roi d’Épire : « Je le connais. Il
s’appelait Pausanias, c’était l’un des gardes du corps de mon père.
Déshabillez-le, accrochez-le à l’un des poteaux de l’entrée, et laissez-le
pourrir jusqu’à ce qu’il n’en reste que les os. »
Un attroupement se formait déjà
autour du cadavre : des curieux, des hommes de la garde royale, des
officiers de l’armée et des invités étrangers.
Alexandre et son beau-frère
retournèrent au théâtre, qui se vidait rapidement, et rejoignirent Cléopâtre.
Elle sanglotait désespérément dans sa robe de mariage, penchée sur la dépouille
de son père. À quelques pas, les yeux remplis de larmes et la main devant la
bouche, Eumène ne cessait de secouer la tête, comme s’il ne parvenait pas à
prendre conscience de ce qui s’était produit. La reine Olympias, attendue
depuis le matin, n’était pas encore là.
Alexandre fit sonner le
rassemblement pour toutes les unités de combat présentes dans les
environs ; il ordonna qu’on enlève le corps de son père et qu’on le
prépare pour le rite funèbre, qu’on raccompagne Cléopâtre dans ses appartements
et qu’on apporte deux armures, l’une pour son beau-frère et l’autre pour lui.
« Eumène ! cria-t-il,
tirant ainsi son ami de sa torpeur. Trouve le sceau royal, envoie des estafettes
auprès d’Héphestion, Ptolémée, Perdiccas, Séleucos et les autres, afin qu’ils
soient informés. Je veux qu’ils m’attendent à Pella avant demain soir. »
Les armuriers accoururent rapidement
et les jeunes gens enfilèrent leurs armures et leurs jambières, ceignirent
leurs épées. Suivis par un détachement choisi, ils regagnèrent le palais en
fendant la foule, décidés à l’occuper. Alexandre fit placer les membres de la
famille royale sous stricte surveillance et les consigna dans leurs logements,
à l’exception d’Amyntas, qui survint armé et se mit aussitôt à ses
ordres : « Tu peux compter sur moi et sur ma fidélité. Je ne veux pas
qu’il y ait d’autre sang versé.
— Je te remercie, répliqua
Alexandre. Je n’oublierai pas ton geste. »
Des patrouilles d’« écuyers »
et des détachements de la cavalerie furent postés aux portes de la ville.
Philotas se rendit spontanément au palais et proposa lui aussi ses services au
prince.
Au milieu de l’après-midi,
Alexandre, flanqué du roi d’Épire et de son cousin Amyntas, se présenta devant
l’armée rangée, vêtu du manteau royal et du diadème. Le message était clair.
Les officiers invitèrent les
trompettes à sonner et les hommes crièrent le salut :
Salut, Alexandre, roi des
Macédoniens !
Puis, à un autre signal, ils
frappèrent longuement leurs boucliers avec leurs lances, répandant un vacarme
assourdissant sous les portiques du palais.
Ayant reçu l’hommage des
détachements bien alignés, Alexandre ordonna qu’on prépare Bucéphale et qu’on
se tienne prêt. Il convoqua ensuite Eumène, ainsi que Callisthène, qui
assistait lui aussi à la cérémonie.
« Eumène, occupe-toi du corps
de mon père. Qu’il soit lavé et embaumé afin qu’il demeure intact jusqu’aux
funérailles solennelles, que tu organiseras, et reçois ma mère, si jamais elle
arrive. Appelle ensuite un architecte
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