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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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son allure claudicante et augmentait considérablement sa taille.
    Posté sur un pylône en bois qu’on
avait dressé sur le côté le plus haut des gradins, Eumène coordonnait
l’imposant cortège en agitant des petits drapeaux de couleur.
    Il regarda à sa droite le grand
hémicycle incroyablement bondé, puis, au fond de la voie d’accès, la tête de la
procession : les merveilleuses statues des dieux, exécutées par les plus
grands artistes, portant de véritables robes et de véritables couronnes d’or,
et flanquées de leurs animaux sacrés – l’aigle de Zeus, la chouette d’Athéna,
le paon d’Héra –, reproduits avec un tel réalisme qu’ils semblaient prêts à
s’envoler.
    Derrière venaient les prêtres,
enroulés dans leurs bandelettes sacrées, leurs encensoirs à la main, puis un
chœur de beaux jeunes gens nus, pareils à de petits amours, qui chantaient des
hymnes nuptiaux en s’accompagnant à la flûte et aux timbales.
    Au fond, le souverain, précédé de
son fils et de son jeune gendre, et pour finir les sept gardes du corps royaux
en tenue de parade.
    Au signal d’Eumène, les sonneurs de
trompe embouchèrent leurs instruments, et la procession s’ébranla.
    C’était un spectacle superbe, que le
soleil et la journée, extraordinairement limpide, rendaient encore plus
grandiose. La tête de la procession pénétra dans l’hémicycle, et les statues
des dieux parcoururent, l’une après l’autre, le demi-cercle de l’orchestre,
avant d’être installées devant l’avant-scène.
    Au moment où elle s’engageait sous
la voûte d’entrée, la procession disparaissait à la vue d’Eumène, avant de
resurgir un peu plus tard à l’intérieur du théâtre, en plein soleil.
    Ainsi s’évanouirent à ses yeux les
prêtres, qui défilaient dans un nuage d’encens, puis les jeunes gens, qui
dansaient et chantaient leurs hymnes d’amour pour la mariée. Eumène les vit
réapparaître de l’autre côté de l’arc, parmi les exclamations d’émerveillement
du public.
    Et voilà que passaient maintenant
Alexandre de Macédoine et Alexandre d’Épire, et que le roi s’approchait. Comme
prévu, une fois devant l’arc, le souverain ordonna à son escorte de reculer,
car il ne voulait pas se présenter aux Grecs entouré de ses gardes du corps,
comme un tyran.
    Eumène vit resurgir les deux jeunes
hommes sous un tonnerre d’applaudissements, tandis qu’il perdait de vue le roi,
désormais dans l’ombre. Du coin de l’œil, il aperçut les gardes du corps qui se
retiraient. Distraitement, il leur lança un regard qui se fit bientôt plus
attentif : il en manquait un !
    À cet instant précis, Philippe
quittait l’ombre de l’arc pour la lumière du théâtre. Devinant ce qui allait
arriver, Eumène se mit à hurler à pleins poumons, mais il ne parvint pas à
couvrir le vacarme des acclamations. Tout se déroula très rapidement : le
garde du corps manquant bondit soudain en brandissant une courte dague, qu’il
enfonça jusqu’à la garde dans le corps du souverain. Puis il prit aussitôt la
fuite.
    À la consternation qui se peignit
sur les visages, Alexandre comprit qu’un terrible événement venait de se
produire. Il se retourna et vit le teint de son père adopter brusquement la
pâleur des masques en ivoire des dieux. Il le vit chanceler et poser la main
sur son manteau, qui s’imbibait de sang à la hauteur du flanc.
    Derrière lui, un homme s’enfuyait en
direction des prés qui bordaient la route. Le prince bondit vers son père, qui
tombait à genoux. Alexandre d’Épire passa près de lui en courant,
hurlant : « Attrapez cet homme ! »
    Alexandre parvint à retenir le corps
du souverain avant qu’il ne s’écroule dans la poussière. Il l’étreignit contre
lui tandis que le sang éclaboussait ses vêtements, inondait ses bras et ses
mains.
    « Papa ! criait-il en
sanglotant. Papa, non ! » Et ses larmes brûlantes coulèrent sur les
joues exsangues du roi.
    C’est alors que le ciel explosa en
une myriade de petits points lumineux au-dessus du souverain, avant de
s’obscurcir brusquement. Philippe se revit soudain au milieu d’une chambre
sombre, serrant un nouveau-né contre sa poitrine. Il sentit la peau douce de l’enfant
contre sa joue barbue, il sentit ses lèvres sur son épaule sillonnée de
cicatrices, puis le parfum intense des roses de Piérie qui flottait dans la
pièce. Ensuite, il sombra dans le noir et le

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